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la frontière romaine, comptez sur une reconnaissance sans bornes de la part de Théodose ; vous serez comblé de plus d’honneurs et de richesses que vous n’en pourriez imaginer. — Si étrange que fût la confidence, elle ne parut point surprendre Édécon, et, après un moment de silence, le Hun répondit qu’il ferait ce qu’on voudrait. — Mais, ajouta-t-il, il me faut de l’argent pour préparer les voies et gagner mes soldats, non pas à la vérité une grande somme, car cinquante livres pesant d’or me suffiront largement. — Chrysaphius voulait les lui compter sans désemparer ; mais Édécon l’arrêta. — Je ne puis, lui dit-il, me charger de cet argent. Attila, sitôt notre retour, nous fera raconter, suivant son habitude, et dans le plus petit détail, ce que chacun de nous aura reçu des Romains, tant en argent qu’en présens or cinquante livres d’or font une somme trop forte pour que je puisse la dérober facilement à l’œil curieux de mes compagnons ; le roi m’en saura porteur et me suspectera. Ce qui vaut mieux, c’est que Vigilas m’accompagne en Hunnie sous le prétexte de ramener les transfuges ; nous nous concerterons là-bas, et, quand le moment d’agir sera venu, il vous indiquera le moyen de me faire passer la somme convenue. — Chrysaphius applaudit au bon sens du Barbare, et courut, après souper, tout raconter à l’empereur, qui approuva son ministre ; le maître des offices Martial, appelé à leur conciliabule, ne trouva, pour sa part, aucune objection : il ne restait plus que les mesures d’exécution à prendre, puisque l’idée leur paraissait à tous trois si naturelle ; ils passèrent la nuit à les combiner.

Ils convinrent d’abord que, pour mieux masquer le complot, on n’enverrait pas Vigilas avec une mission en titre, mais comme simple interprète en l’attachant à une ambassade sérieuse en apparence. Ce premier point posé, ils reconnurent que l’ambassade qui aurait pour prétexte la réponse de l’empereur aux prétentions du roi des Hues devait être confiée à un homme non-seulement placé très-haut dans la hiérarchie des fonctions administratives, mais placé encore plus haut dans l’estime publique, à un honnête homme en un mot. « Si le coup réussit, disaient fort sensément les ministres de Théodose, l’empereur ne manquera pas de renier les assassins, et la bonne réputation de son ambassadeur éloignera de lui jusqu’à l’ombre du soupçon ; si le coup échoue, ce sera la même chose ; la probité du représentant garantira l’innocence du prince aux yeux du monde et à ceux d’Attila lui-même. » Le calcul était habile, on en conviendra. La liste des honnêtes gens au service de la cour de Byzance ayant été consultée, le choix s’arrêta sur Maximin, personnage estimé pour sa droiture, et qui en avait donné plus d’une preuve dans des missions politiques. Il avait d’ailleurs parcouru toute l’échelle des hautes fonctions, moins le consulat. On ne se