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LES POPULATIONS OUVRIÈRES.

nent à la religion catholique, on compte deux églises consacrées à ce culte, deux temples protestans et une petite synagogue ; mais au fond tout se réduit pour le plus grand nombre à des actes extérieurs qui n’impliquent en rien un sentiment religieux ayant conscience de lui-même. Aussi, avec des débordemens moins scandaleux qu’ailleurs, le sens moral est tout aussi relâché, et il manque absolument de la base que pourrait lui prêter dans l’individu l’idée de la dignité personnelle.

L’attitude des ouvriers envers les patrons, sans être exempte de défiance, ne porte pas l’indice de haineuses rancunes. Malheureusement nul lien durable entre les deux élémens de la production, pas de ces rapports suivis d’où procèdent une certaine bienveillance d’un côté, un certain attachement de l’autre. Les deux parties s’unissent ou se séparent avec une grande facilité et une souveraine indifférence. Calmes par nature, obligeans les uns pour les autres, avenans envers les étrangers, les ouvriers de Sainte-Marie méritent d’ailleurs d’exciter une sympathie qui ne leur est pas refusée par la classe aisée de la ville. Si les moyens d’une action commune n’ont pas pris un grand essor, la bonne volonté individuelle s’est à l’occasion révélée. On s’est cru obligé, par suite de la pénurie de la caisse municipale, de rayer du budget pour l’année 1852 la subvention accordée aux deux salles d’asile existant dans la cité, et on s’est alors adressé aux souscriptions particulières pour réaliser la somme de 3 000 francs nécessaire au maintien d’une aussi utile institution. L’instruction primaire impose des sacrifices assez lourds à la commune. Les écoles catholiques pour les garçons sont dirigées par des frères de Sainte-Marie de Bordeaux, et les écoles des filles par les sœurs de la Providence. Presque tous les pareils envoient leurs enfans à l’école ; mais, pressés par la misère, ils ne les y laissent point assez long-temps. Il s’ensuit que l’état de l’instruction parmi les adultes ne répond pas au grand nombre d’enfans qui fréquentent les classes élémentaires. Chez les tisserands de la campagne, l’ignorance est encore plus générale, les moyens d’apprendre à lire et à écrire étant beaucoup moins à la portée des familles. Des efforts se sont produits parmi les ouvriers de Sainte-Marie en vue d’opposer la prévoyance aux funestes effets des chômages occasionnés par la maladie. Plusieurs sociétés de secours mutuels plus ou moins solides, dont l’une reçoit de la ville une subvention de 1 500 fr., se sort formées à cet effet. Dans les limites un peu trop restreintes de leur action, elles rendent des services réels, et la somme allouée sur le revenu municipal témoigne qu’on a su comprendre le rôle social de ces institutions. La propagande des fausses doctrines qui ont inquiété notre époque ne s’est pas ouvert une large voie dans les montagnes de ce pays. Même au lendemain de la révolution de février, bien qu’un peu plus émus qu’à l’ordinaire, les ouvriers ne s’y occupaient guère