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pertes éventuelles, servent à secourir ceux des associés qui se voient obligés, par suite de circonstances malheureuses, à empiéter un peu sur le salaire du lendemain. Dans les villes, l’ouvrier trouve, au moyen de quelque effet mobilier, l’assistance coûteuse, mais souvent indispensable, des monts-de-piété. Ailleurs, il obtient du patron, avec son livret, des avances dont les dangers étaient devenus si manifestes, qu’une loi récente a cru devoir y mettre une limite. À Guebwiller, un comité formé par les ouvriers prononce sur les demandes de prêts. Une fois le besoin constaté, l’avance est faite sans intérêt, dans un esprit vraiment fraternel.

Une société de secours mutuels déjà fort ancienne existe dans l’établissement sur des bases plus simples qu’à Munster. Chaque sociétaire verse une cotisation proportionnelle à son salaire, et reçoit, en cas de maladie, la moitié de sa paie habituelle, sans compter les soins du médecin et les médicamens, qui sont donnés gratuitement[1]. Bien qu’incomplètement organisée encore, une caisse de retraites, due aux donations de la fabrique, distribue déjà des secours ou de petites pensions aux vieillards. Il reste à combiner l’idée d’association avec la bienveillance des chefs pour étendre et féconder le principe de cette œuvre.

Cet ensemble d’institutions tend à élever les esprits aussi bien qu’à soutenir les courages et à prévenir les sentimens haineux. On veille encore avec une sollicitude attentive sur l’instruction des enfans, qui sont astreints à fréquenter l’école jusqu’à seize ans, et ne subissent aucune retenue sur leur salaire pour le temps passé dans les classes[2]. Des surnuméraires payés par la maison les remplacent à leur métier, afin que le fileur n’ait pas à souffrir de l’absence de son rattacheur. Il se tient dans la journée quatre classes pour les garçons et quatre pour les filles, qui durent une heure et demie. Deux autres classes ont lieu le soir pour les adultes ; le dimanche, un cours de dessin linéaire est destiné aux ouvriers de l’atelier de construction. On ne saurait trop citer comme exemple les efforts qui ont pour but de donner à l’instruction des jeunes filles un caractère d’utilité pratique. Quand on visite les pays de manufactures et qu’on pénètre un peu dans la vie des familles ouvrières, on reste douloureusement frappé du déplorable état de l’éducation des femmes. Amenées très jeunes à la fabrique, elles n’ont presque jamais rien appris de ce qu’une mère de famille doit essentiellement connaître. Quand elles se marient, elles ne savent pas tenir un ménage ;

  1. Les amendes disciplinaires profitent à la caisse de secours. L’amende est à peu près parvenue à éteindre ici la funeste habitude du lundi. L’ouvrier qui s’absente ce jour-là, outre son salaire perdu, paie une somme équivalente à une journée de travail.
  2. Non-seulement l’instruction est gratuite, mais on fournit encore sans frais les livres, le papier, etc. On en fait autant dans la plupart des établissemens qui ont créé des écoles gratuites.