Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 13.djvu/62

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

leur demander d’un air menaçant compte des lenteurs du saint père, se décidèrent alors à lui adresser, sous la forme d’une supplique, une invitation pressante à se déclarer pour la guerre. Cette supplique fut remise à sa sainteté le 25 avril ; elle la lut avec une émotion visible, et fit savoir qu’elle y répondrait.

La réponse fut rendue publique le 29, sous la forme d’une allocution où le saint père désavouait de la façon la plus explicite l’usage que l’on avait fait de son nom et l’interprétation violente qu’on avait donnée de ses sentimens. Il dit qu’avant tout il était le ministre d’un Dieu de paix et le chef du monde catholique ; qu’il ne devait connaître et ne connaîtrait jamais que des fils dans l’étendue entière de l’univers chrétien ; qu’en un mot, il était pape avant d’être prince, et que, sauf les précautions nécessaires pour maintenir l’intégrité et la sécurité du territoire du saint-siège, il n’entendait prendre aucune part. au mouvement militaire qui soulevait la péninsule.

Le désappointement et l’émotion furent immenses à la lecture de cette allocution. Les clubs, qui, depuis le 10 mars, étaient à peu près en permanence, se répandirent dans les rues et soulevèrent la foule. Quelques chefs du parti modéré, parmi lesquels on remarquait, comme toujours dans ces dangereux soulèvemens, le prince Doria, le duc Riguano et le sénateur Corsini, firent des efforts courageux et inutiles pour calmer les esprits. La garde civique, à la hâte rassemblée, partageait trop les sentimens du reste de la population pour être capable de la contenir. La situation d’heure en heure devenait de plus en plus grave, et il fallut en avertir le saint père. Pie IX montra une grande affliction et une grande surprise, mais il ne fit aucune concession. Toute la journée du 30 avril se passa en pourparlers. La nuit venue, quelqu’un ouvrit un avis qui avait quelque chose d’imposant : ce fut que le saint père se transportât de sa personne à Milan, non pas en guerrier, puisqu’il répugnait à la guerre, mais en médiateur. La grandeur et la beauté morale de ce projet plurent à l’ame généreuse de Pie IX, et M. Farini raconte que sa sainteté l’eût mis sans doute à exécution, si elle n’en avait été détournée par le représentant du gouvernement provisoire de Milan lui-même, qui s’en montra effrayé. Le 1er mai enfin, on apprit que le ministère avait donné sa démission, et Pie IX publia une proclamation touchante au peuple de Rome, où il s’efforça d’adoucir, par la tendresse de ses paroles, ce qu’il y avait eu d’amer pour le sentiment patriotique des Italiens dans l’allocution du 29 avril. « Popule meus, disait-il, quid feci tibi ? — Est-ce là la récompense de tant de marques d’amour que je vous ai données ! » Mais le temps déjà était loin où la voix du saint père suffisait à calmer les esprits. L’enthousiasme pour la guerre était profond, universel ; il emporta tout, et, le 4 mai, la volonté révolutionnaire du peuple imposait pour premier