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à la nation se fasse. » Même dans ses plus grands écarts, quelle force, quelle fidélité il y a dans les instincts d’un tel peuple !

Les longues et laborieuses négociations auxquelles les affaires de Danemark ont donné lieu viennent de recevoir une solution qui toutefois n’est point encore ratifiée. Un arrangement a été signé à Vienne entre le plénipotentiaire danois et les cabinets de Prusse et d’Autriche. En songeant à tout le sang qui a été versé dans ce conflit, l’on pouvait raisonnablement espérer qu’un dénouement équitable trancherait les difficultés d’où la querelle a surgi. Il est douteux que la convention conclue à Vienne puisse avoir ce résultat : elle se borne en effet à rétablir dans le Slesvig et dans le Holstein l’état de choses qui existait en 1847, et qui a été précisément la cause principale de l’insurrection du Holstein et de la guerre portée par la Prusse en Danemark.

Le gouvernement danois sollicitait pour les duchés une situation nouvelle qui écartât désormais toute occasion de conflits. Pour l’obtenir, il consentait à faire un sacrifice. Il renonçait volontiers à exercer dans le Holstein l’autorité qu’il y avait eue dans le passé ; il ne demandait pas mieux que de voir les populations de ce duché s’éloigner de plus en plus du Danemark par leur administration et leurs lois, et se rapprocher de plus en plus de la confédération germanique, dont elles forment l’un des membres, en vertu de leurs traditions et de leur nationalité. Le cabinet de Copenhague exigeait seulement, en vertu des mêmes considérations, que le Slesvig, possession de toute antiquité danoise, ne fit désormais avec le royaume qu’un seul et même corps régi par les mêmes institutions. L’Autriche, qui depuis 1850 s’est substituée à la Prusse dans ce débat, s’est opposée avec opiniâtreté à toutes les propositions de nature à créer en Danemark cet état de choses, pourtant si rationnel et si légitime. Dans une note du prince de Schwarzenberg déjà ancienne, mais récemment publiée, nous trouvons l’aveu simple et net des impulsions auxquelles la diplomatie autrichienne a obéi dans ces dernières négociations. « Le Slesvig, dit le prince de Schwarzenberg au ministre d’Autriche à Copenhague, a formé de tout temps un anneau intermédiaire entre le Danemark et le Holstein. En opposition avec la politique suivie par les rois de Danemark jusqu’à ce jour, on cherche à rendre les Holsteinois étrangers aux institutions du Slesvig pour fondre celles-ci avec les institutions d’un Danemark démocratique, ce qui ne lèse pas moins les intérêts durables de la monarchie danoise que les droits acquis. Enfin nous ne pouvons ni ne voulons, vu notre participation à l’établissement de la monarchie danoise, abandonner les droits de la confédération germanique et la position qui lui appartient dans le système des états européens. » Par cette politique, le cabinet de Vienne obtient un double avantage. D’une part, il s’assure une influence qu’il n’avait point encore exercée parmi les populations allemandes du Holstein et du Slesvig, dont il embrasse la cause ; d’autre part, il porte indirectement un coup peut-être mortel à la nouvelle organisation politique que le Danemark s’est donnée en 1849. En effet, le rétablissement des anciens états provinciaux dans le Holstein et le Slesvig serait absolument incompatible avec la constitution danoise, dont il entraînerait nécessairement la révision et peut-être la chute. Cette conséquence prévue de la convention de Vienne la rend plus dure encore à accepter pour le Danemark ; mais l’Autriche et la Prusse sont en ce moment appuyées par la Russie à Copenhague.