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l’occasion des démêlés de ce prince avec le saint-siège, ces états, qui devaient reparaître pour la dernière fois en 89, à la veille même de la révolution française, s’assemblaient extraordinairement d’après les ordres formels des rois ; mais il n’en était pas de même des états provinciaux, qui, sur certains points du territoire, faisaient partie des institutions permanentes du pays et fonctionnaient périodiquement. Au fur et à mesure que l’annexion des provinces à la couronne fut plus intime, ces états perdirent de leur importance, et à l’époque de Louis XIV ils ne s’assemblaient plus que dans le Languedoc, la Provence, la Bourgogne, la Bretagne et l’Artois. Dans le cours du moyen-âge, ils avaient souvent donné de grands exemples de patriotisme et rendu à la cause du pays d’éminens services ; ils avaient volontairement voté des subsides quand le trésor royal était épuisé, des levées d’hommes quand il n’y avait plus d’armée, et adopté de salutaires mesures de salut public aux jours des grands dangers. On avait vu en 1356, après la bataille de Poitiers, les états de la langue d’oc, comme le sénat romain après la bataille de Cannes, décréter un grand deuil, suspendre les fêtes, interdire les vêtemens de luxe et retenir l’argent aux mains des contribuables, afin de consacrer toutes les ressources à la défense du pays. Ces états avaient souvent pris l’initiative de réformes importantes ; mais, au XVIIe siècle, leur rôle, de plus en plus amoindri, était devenu tout-à-fait secondaire : il se bornait à voter, sous le nom de dons gratuits, la part d’impôts de la province, à lever cet impôt, et à établir ensuite, comme le font aujourd’hui les conseils-généraux, le budget particulier de la province. Dans l’origine, le don gratuit fut, comme son nom l’indique, purement facultatif. Plus tard, tout en gardant son nom comme un lointain témoignage de l’indépendance première, il devint obligatoire, et alors le rôle des états se borna uniquement à débattre le chiffre de l’impôt, dont le taux moyen était, au XVIIe siècle, de 6,000,000 par province. Rien n’est plus singulier que la lutte qui éclatait à chaque session entre les membres des états et les commissaires royaux chargés d’obtenir un vote favorable. Ces commissaires, en demandant une certaine somme, avaient l’ordre secret de se contenter d’une somme plus faible. Il s’établissait alors entre les deux parties, d’une part pour avoir plus et de l’autre pour donner moins, un véritable tournoi de ruses et d’intrigues. L’impôt finissait toujours par être volé, mais il en coûtait fort cher à l’état, qui, pour l’obtenir, était forcé de donner des pensions à la noblesse et des gratifications aux bourgeois ; ceux-ci, de leur côté, faisaient à leurs amis et à eux-mêmes une fort belle part dans le budget provincial, tandis que les commissaires touchaient des deux mains l’argent du gouvernement, qui les payait de ce qu’ils avaient obtenu, et l’argent des provinces, qui les payaient à leur tour de ce qu’ils n’avaient point exigé. On comprend à quels abus devait donner lieu un semblable état de choses, et combien, sur ce point, nos administrations modernes, dans leur simplicité régulière et savante, sont supérieures à celles du passé. On comprend surtout, en lisant les textes rapportés par M. Depping, quels obstacles entravaient la marche du gouvernement et tout ce qu’il fallait d’habileté pour en triompher. De plus, il résulte jusqu’à l’évidence de l’étude de ces textes que, contrairement à l’opinion émise par la plupart des historiens modernes, les états provinciaux, à cette date, avaient perdu toute signification, et qu’ils n’étaient plus qu’un embarras. On les voit en effet, en de nombreuses