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Le cardinal Ferretti, dans la négociation diplomatique qui s’ouvrit en même temps à Milan et à Vienne, entre lui, le maréchal Radetzky, le général Ficquelmont et le prince de Metternich, tint un langage et une conduite dont la fermeté et la mesure auraient en d’autres temps suffi à dénouer la difficulté ; mais, à la fin de l’été de 1847, les circonstances étaient déjà devenues telles, les esprits avaient pris partout une telle animation et les cœurs avaient conçu de telles espérances, que la sagesse des temps ordinaires ne suffisait déjà plus. Entraîné par des événemens que sa main ne dominait pas, le cardinal Ferretti s’efforça de les suivre, à défaut d’en pouvoir régler la marche. À l’insulte qu’avaient faite les Autrichiens au gouvernement pontifical en occupant Ferrare, il répondit par une avance aux gouvernemens du reste de l’Italie, qui dut être et qui fut ; en effet, considérée à Vienne comme une provocation. Il avait déjà plusieurs fois été question d’une ligne douanière à établir entre tous les états indépendans de la péninsule. Le cardinal Ferretti s’empara de cette idée, s’ouvrit au marquis Pareto, alors ministre de Piémont à Rome, du dessein qu’il avait conçu de la mettre à exécution, et, sur la réponse favorable qu’il reçut, députa monsignor Corboli à Florence et à Turin, pour aller stipuler les conditions de l’union. Les meneurs à Rome et dans les provinces ne manquèrent pas, comme on pense, de s’emparer de cette ambassade comme ils s’étaient emparés du fait de la violation du territoire pontifical par les Autrichiens pour exalter les imaginations. Le saint père eut beau faire ; bon gré mal gré l’enthousiasme italien fit de lui, sinon un Jules II, au moins un Alexandre III, et un jour, sans le savoir, il se trouva, par le fait des lenteurs et de l’insuffisance de ses ministres, à la tête d’un mouvement formidable qu’il n’avait pas désiré et qu’il ne pouvait ni encourager ni désavouer. Dans l’automne de 1847, en un mot, le pape, simplement réformateur de l’été de 1846, était devenu pour tout le monde, tant les esprits et les événemens avaient marché vite, le promoteur de la liberté politique et de l’indépendance nationale de l’Italie.

La péninsule entière, du reste, était animée d’un mouvement extraordinaire. L’esprit de réforme avait saisi tous les peuples et presque tous les gouvernemens. Les manifestations populaires s’étaient mises à la mode dans le reste de l’Italie. L’exemple de ce qui se passait à Rome enhardissait tous les esprits et ébranlait tous les pouvoirs. En Toscane et en Piémont, le peuple avait demandé, quelquefois même réclamé violemment des institutions plus libérales. Le roi de Piémont, Charles Albert, le premier, avait cédé. Le 30 octobre, la gazette officielle de Turin avait publié un programme des réformes que le gouvernement sarde se proposait d’introduire dans la législation et dans l’administration, qui avaient excité la joie et la surprise générales. Tous