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fruits de la terre et du bétail à la subsistance des clercs et des indigens. Toutes ces collectes, toutes ces oblations jointes aux legs, aux dons, aux présens dont les empereurs chrétiens et les riches particuliers dotèrent les églises avec une abondance qu’expliquent l’ardeur de leur foi et les colossales fortunes du monde romain, accrurent après la persécution le trésor des églises de biens meubles et de revenus qui, comme l’établit M. Moreau Christophe, passeraient aujourd’hui pour fabuleux, si la réalité n’en était attestée par les témoignages les plus authentiques. Quand la paix et la liberté furent rendues aux chrétiens, les largesses faites aux églises n’eurent plus de bornes : des palais dans Rome, des terres immenses, d’opulentes villas situées en Italie et dans les diverses provinces de l’empire devinrent le patrimoine sacré de ces déshérités du monde, dont les pères attendaient leur ignoble sportule à la porte de superbes patrons.

Une autre source d’ailleurs vint augmenter le produit des richesses que les Paule, les Mélanie, les Olympiade et tant d’autres illustres Romaines versaient à pleines mains dans le sein des pauvres dont elles s’étaient faites les servantes : les empereurs disposèrent en faveur du culte chrétien des immenses propriétés des sacerdoces païens, et les richesses qui avaient alimenté durant tant de siècles les autels de Jupiter et de Vénus furent employées à nourrir les pauvres, à fournir à leur sépulture, à racheter les captifs, à élever les orphelins, à soulager les serviteurs cassés de vieillesse, ou à guérir les blessures des chrétiens sortant des mines. Le devoir de sustenter les indigens était tellement strict et si étroitement associé au culte lui-même, qu’il se confondait avec lui dans la célébration du plus haut mystère de la foi. La messe était une communion du chrétien avec ses frères comme avec Dieu, un repas fraternel en même temps qu’un repas mystique. Les noms que conservent les points principaux de l’auguste sacrifice constatent que les obligations de la charité s’accomplissaient en même temps que l’union de la créature avec son auteur. L’église elle-même, entourée de vastes bâtimens pour le service de la diaconie, était un magasin et un hospice en même temps qu’une maison de prières.Les offrandes en nature y étaient reçues et conservées en dépôt ; mais le mode habituel, spécialement jusqu’à la fin du VIe siècle, était la distribution des aumônes à domicile par les diacres, les sous-diacres et leurs délégués, sous la suprême direction de l’évêque. Le secours à domicile, consacré par l’église naissante, est demeuré le mode d’exercice le plus naturel et le plus vrai de la charité chrétienne. Les pauvres trouvaient dans ce mode une garantie de la sainte discrétion qui doit toujours accompagner l’aumône. Le secours à domicile a d’ailleurs cet autre avantage, de venir en aide à la famille sans jamais la remplacer, sans jamais en faire perdre l’esprit ; il met le riche en contact direct avec le pauvre :