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SCENES ET MOEURS


DES


RIVES ET DES CÔTES.




LE MARINIER DE LOIRE.




I

Voyez-vous cette image de nymphe appuyée sur l’urne symbolique ? Sa blonde chevelure est couronnée de saules argentés, son œil bleu et doux se perd dans le vague du ciel, ses mains pleines de fruits s’étendent vers un groupe d’enfans, et son beau corps, mollement couché, ondoie parmi les herbes fleuries. — C’est la Loire telle que l’art a pu la traduire dans le marbre, telle qu’après l’avoir vue votre imagination voudrait la personnifier. Ailleurs dominent la force, l’impétuosité, la grandeur ; ici c’est la grace et la fécondité. Dans son cours de plus de cent quatre-vingts lieues, la rivière couleur d’épis, ainsi que l’appelle un vieux chroniqueur, roule à travers les prés, les vignobles, les bois, les grandes cités, sans rencontrer un seul instant la solitude ni la stérilité. De sa source à la mer, le regard n’aperçoit, sur les deux rives, que troupeaux qui paissent, toits qui fument, laboureurs qui conduisent leurs attelages en chantant. L’onde elle-même coule sans bruit sur son lit de sable, au milieu des îles panachées d’osiers, de saules, de peupliers. Il y a dans tout le paysage une douceur un peu monotone, mais charmante, une demi-pâleur qui donne à ce qui vous