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justifié par la première de ces deux influences, obéira-t-il à la seconde S’accoutumera-t-il enfin à vivre hors de lui-même ? Verra-t-on fléchir ce tempérament altier qui l’a tenu éloigné des voies de l’histoire ? Cette race, condamnée à errer sans patrie en punition de son esprit de nationalité insociable, retrouvera-t-elle en quelque sorte une patrie plus haute en faisant cause commune désormais avec le genre humain ? Les tableaux de M. Kompert nous permettent d’entrevoir cette transformation dans l’avenir. Or, quel est le nom précis de cette transformation ? Qu’est-ce que le judaïsme, lorsqu’il s’élève au-dessus de l’étroite idée de race pour marcher avec la famille humaine ? Comment s’est appelée jadis cette révolution profonde ? C’est le plus grand fait, la plus merveilleuse révolution que présentent les annales spirituelles de l’homme, et on l’appelle le christianisme. Si les doctrines juives, chez ceux-là même qui les gardaient avec une simplicité opiniâtre, commencent à subir cette altération manifeste, si l’ancienne piété, sans disparaître, se transforme et s’adoucit ; en un mot, si la tolérance succède à l’orgueil, le judaïsme changera bientôt d’essence. Qu’il reconnaisse ou non la divinité de Jésus, qu’il s’incline ou non devant l’Evangile, peu importe : la révolution intérieure est consommée, et le christianisme est assuré de son triomphe.

Bien des esprits, frappés du rôle sublime et mystérieux de la race juive dans les destinées du monde, seraient volontiers portés à des conjectures toutes mystiques sur cette merveilleuse solution. Il y a un passage célèbre de saint Paul, dans l’Epître aux Romains, où la chute des Juifs est expliquée par des argumens extraordinaires ; l’apôtre y prédit aussi leur conversion future, et tout cela, explication du passé, prédiction de l’avenir, est marqué d’un incomparable caractère de sublimité. L’auteur, comme dit Bossuet, entre dans les profondeurs des conseils de Dieu. « Il fait voir (c’est encore Bossuet qui interprète ainsi le grand docteur dans le Discours sur l’Histoire universelle), il fait voir la grace qui passe de peuple en peuple, pour tenir tous les peuples dans la crainte de la perdre, et nous en montre la force invincible en ce qu’après avoir converti les idolâtres, elle se réserve pour dernier ouvrage de convaincre l’endurcissement et la perfidie judaïques. » Cette victoire sur l’endurcissement judaïque, il semble faire pressentir qu’elle sera gagnée au détriment des gentils. La grace avait passé des Juifs aux gentils ; elle retournera des gentils aux Juifs. Les gentils avaient été détachés de l’olivier sauvage pour être entés dans l’olivier franc contre l’ordre naturel ; combien plus facilement les branches naturelles de l’olivier même seront-elles entées sur leur propre tronc ! Quand l’incrédulité aura envahi le monde, la race juive rendra au genre humain devenu vieux le même service qu’elle lui a rendu dans son enfance ; elle sera investie une fois encore de l’autorité religieuse, elle sera de nouveau le