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de là, ils conservent toutes les croyances de l’église établie, et leur seul but est de ranimer la ferveur. Avant les Wesley, il y avait eu les quakers, qui voulaient arracher l’esprit des hommes aux vaines théories. Avant les quakers, il y avait eu les premiers protestans, qui mettaient la sainteté de l’ame au-dessus des actions saintes. Depuis les Wesley et de notre temps même, il y a eu encore un réveil qui n’est pas religieux, mais qui n’en continue pas moins les autres : c’est celui dont M. Carlyle est un des apôtres les mieux caractérisés. Peu importe que M. Carlyle ait donné à ce qui le préoccupait les noms de culte des héros, de vénération et de dénigrement ; il n’est pas moins vrai qu’il s’est préoccupé avant tout des sympathies morales de l’homme et du je ne sais quoi qui lui donne sa direction. Ce qu’il a répété, — et il a su le faire entendre, — c’est que la nécessité des nécessités était de savoir reconnaître et respecter chaudement la vraie grandeur humaine ; c’est que la vertu des vertus n’était pas la philanthropie qui réclame le paradis pour n’importe qui et tout venant, mais bien le cœur en bonne santé qui méprise cordialement les méchans pour aimer plus cordialement les bons. Au fond, les paroles de Luther, de Fox le quaker, des deux Wesley et de M. Carlyle revenaient à peu près au même sous un rapport. Elles signifiaient également des esprits qui attachaient une immense importance au caractère, et qui étaient violemment poursuivis par les laideurs et les sublimités qu’ils distinguaient dans les diverses natures humaines. Le dernier de ces réveils, ai-je dit, ne se trouve pas seulement dans les écrits de M. Carlyle. Ainsi le pays entier sort visiblement de la phase politique. Tandis que l’Allemagne s’enfonce dans les discussions philosophiques et religieuses, tandis que la France s’use à discuter ce que doivent être les institutions, l’Angleterre travaille à améliorer la société en améliorant les individus. Elle fonde des sociétés pour propager la Bible, elle en fonde pour augmenter le nombre des pasteurs de village ; elle s’agite pour propager l’instruction, et jusque dans ses illusions, — car elle en a beaucoup sur l’efficacité miraculeuse des abécédaires, — elle tourne encore autour de l’idée assez nette que la réforme la plus urgente est celle des ames et des consciences.

Au bout de tout cela, c’est la poésie contemporaine qui est venue, et c’est tout cela, j’imagine, qu’elle porte sur son front. Elle est franchement humaine : l’homme et ses maladies invisibles, ce qu’il est et ce qu’il doit être, voilà son sujet. Les poètes du jour se plaisent à écouter en eux et autour d’eux « la calme et plaintive musique de l’humanité. » Dans ces dernières années surtout, il y a eu comme un examen de conscience général, et je puis ajouter sans exagération que la psychologie a été poussée plus loin par les rimeurs que par les philosophes de profession. — De la sorte, les vieux thèmes bien usés se sont trouvés