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c’était l’Angleterre elle-même et toute sa puissance qu’il faudrait amener à capitulation. Ils conseillaient d’attendre et d’opposer la force d’inertie, convaincus que le gouvernement ne voudrait pas pousser les choses au pire, et, satisfait d’avoir établi son autorité, entrerait dans la voie des concessions. Néanmoins, comme il arrive d’ordinaire en pareil cas, l’avis des plus violens prévalut. On laissa sans l’inquiéter le capitaine Smith traverser le territoire et s’établir avec sa troupe à Port-Natal ; mais, lorsqu’il y fut arrivé, les Boers, en réponse à ses sommations, vinrent établir leur camp vis-à-vis du sien. L’officier anglais essaya d’abord les voies de la conciliation ; il offrit aux Boers un délai de quinze jours pour leur donner le temps de réfléchir sur leur situation ; puis, lorsque, ne recevant aucune réponse, il vit leur petite armée grossir incessamment, il se décida à prendre l’offensive. Prendre l’offensive avec deux cent cinquante hommes contre une population ennemie, à deux cents lieues peut-être du poste militaire anglais le plus proche, c’est une résolution qui doit sembler hardie, téméraire, mais qui n’étonnera pas celui qui commit l’histoire coloniale de l’Angleterre, la merveilleuse discipline de son armée et la confiance absolue qui anime ses officiers. Arrivé à Port-Natal le 1er mai 1842, le capitaine Smith alla attaquer les Boers dans la nuit du 23. Il y perdit presque le tiers de sa troupe, soixante-treize hommes tués ou blessés, et ce fut à grand’-peine qu’il rentra dans son camp, où il fut assiégé à son tour. Étroitement bloqué, manquant de vivres, il allait être réduit à capituler, lorsque le 25 juin les vigies signalèrent au large une grande frégate et deux bâtimens de transport qui le lendemain débarquèrent, au milieu d’une insignifiante fusillade, cinq ou six cents hommes de troupes réglées, sous les ordres du lieutenant-colonel Cloete.

Le choix de cet officier, qui appartient à l’une des familles les plus considérables de la colonie, principale propriétaire des riches vignobles du Haut-Constance, témoignait des intentions conciliantes du gouvernement. En quelques jours, il eut heureusement rempli sa mission. Les Boers comprenaient enfin que l’Angleterre était désormais engagée de manière à ne pouvoir plus reculer sans avoir obtenu satisfaction de leur résistance, et de plus il avait suffi de l’apparition des bâtimens de guerre et du débarquement des troupes pour soulever toute la population noire, pour que Panda, leur créature, se retournât contre eux. Des troupeaux avaient été enlevés, des hommes isolés avaient été assassinés. Pour leur rendre la soumission plus facile et moins humiliante, on leur envoyait un homme de leur race : ils demandèrent à capituler. Les conditions ne furent pas rigoureuses. En vertu des pleins pouvoirs qui lui étaient confiés, le colonel docte commença par proclamer une amnistie de laquelle cinq personnes (amnistiées quelques mois après) furent seules exceptées ; en même temps il garantit