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justifiaient cette résolution, si tardive qu’elle fût ; aussi est-il à regretter qu’au lieu de rappeler purement et simplement les Boers à l’obédience, comme c’était son droit, le gouverneur ait d’abord imaginé d’arriver à son but par des moyens d’une franchise quelque peu hésitante. S’il se fût contenté d’annoncer que la république de Port-Natalia ne pouvait être reconnue, les Boers, qui ne recherchaient rien aussi vivement que la paix, se seraient sans doute empressés de traiter, et il en serait résulté, selon toute vraisemblance, une transaction amiable et honorable pour les deux parties ; malheureusement on ne sut pas ou l’on ne voulut pas entrer dans cette voie si simple et si loyale. Loin de là, on réveilla toutes les anciennes déclamations de la philanthropie, et le 27 janvier 1841, sans dire un mot de la question principale, le gouverneur annonça aux Boers par une lettre officielle que certains chefs cafres, Faku, N’Capaï, ayant (à l’instigation des missionnaires wesleyens) réclamé la protection de l’Angleterre, un détachement allait être expédié par terre à leur secours. Pour la millième fois, les Boers protestent contre l’injustice des accusations dont ils sont l’objet, et avec beaucoup de bon sens ils demandent à traiter, affirmant qu’ils ne réclament que le droit de légitime défense contre les tribus barbares qui les entourent, offrant de donner toutes les garanties raisonnables que l’on voudra exiger d’eux dans l’intérêt de la population noire. Le gouverneur répond à son tour : il ne veut pas entrer dans le fond de la question, mais il permet quelquefois aux Boers, par l’obscurité de ses paroles, de concevoir les plus trompeuses espérances. C’est seulement lorsqu’il se sent vaincu dans la discussion que, changeant tout à coup d’attitude, il leur annonce, le 10 juin, que désormais ils seront traités comme des sujets rebelles, s’ils ne reconnaissent pas sans condition la suprématie de la reine, s’ils ne se soumettent pas aux lois et aux autorités de la colonie. Toutefois il leur accorde un certain répit, et il attend jusqu’au mois de janvier 1842 avant de donner l’ordre au capitaine Smith, déjà campé sur l’Umgazi, d’aller avec ses deux cent cinquante hommes prendre possession de Port-Natal au nom de la Grande-Bretagne.

Après tant d’années de luttes, de combats, de privations et de misères de tout genre, voilà donc le résultat où les Boers étaient parvenus et la perspective qu’on leur offrait. Avoir conquis malgré l’Angleterre un magnifique territoire dont elle réclamait aujourd’hui la possession, avoir tant souffert pour retomber sous un joug qu’ils avaient cru devoir fuir au prix de tous les sacrifices ! — quel parti prendre ? Les uns, et c’étaient les plus nombreux, voulaient résister à la force par la force ; les autres, et c’étaient les plus sages, sentaient bien qu’il ne s’agissait pas seulement de se défendre contre les deux cent cinquante hommes du capitaine Smith, mais qu’après la première goutte de sang versée,