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succès des Boers étaient accueillies dans la colonie, elle se laissait aller tantôt à menacer les émigrés de toute sa puissance, et tantôt à prendre des demi-mesures qui semblaient révéler le désir d’entrer en accommodement, jusqu’à faire croire aux Boers qu’elle était presque disposée à reconnaître leur indépendance. C’est ainsi qu’elle faisait occuper militairement la baie de Port-Natal par un détachement de troupes, et qu’elle le retirait, quelques mois après, sans donner aucune explication de sa conduite. C’est ainsi que tantôt elle interdisait le commerce des armes et des munitions en dehors des limites de la colonie, et tantôt publiait une dépêche officielle par laquelle lord John Russell faisait savoir que le gouvernement était disposé à traiter avec les Boers, à leur laisser toute leur autonomie intérieure, ne réservant à l’autorité métropolitaine que le droit, très modeste à coup sûr, de choisir le gouverneur de la nouvelle colonie parmi les vingt-quatre membres élus du conseil exécutif que les émigrés avaient mis à la tête de leur gouvernement.

Cette irrésolution, ces tergiversations, qui ne durèrent pas moins de cinq années, depuis le commencement de 1836 jusqu’au milieu de 1841, jetaient les Boers dans les plus cruelles perplexités, et finirent par leur faire adopter un parti qui força l’Angleterre à se prononcer. Dans le principe, ils avaient très sincèrement voulu éviter à tout prix une rupture avec la colonie et avec le gouvernement anglais ; mais, lorsqu’en mars 1839 le commandant des troupes qui occupaient la baie de Port-Natal refusa d’intervenir entre Dingaan et eux, lorsqu’à la fin de la même année un ordre ministériel retira ces troupes, les Boers imaginèrent que la mère-patrie les abandonnait définitivement à leur fortune, bonne ou mauvaise. Ils se constituèrent donc en état indépendant, sous le nom de république de Port-Natalia, et hissèrent un drapeau national. En souvenir de leur première origine, ils avaient repris les couleurs de la Hollande ; seulement, au lieu de les porter horizontalement, ils les avaient disposées en bandes perpendiculaires, de sorte que leur pavillon était exactement semblable au pavillon tricolore de la France, circonstance que la plupart d’entre eux ignoraient sans doute. Si portée qu’elle fût aux concessions, l’Angleterre ne put se résoudre à voir s’établir ainsi à ses portes un gouvernement indépendant qui menaçait d’attirer à lui la plus grande partie de la population coloniale. C’est ce qu’aucune puissance n’eût voulu accepter. Toutefois il ne semble pas que le gouverneur d’alors, le général sir George Napier, se soit cru par le fait même autorisé à agir, car ce n’est que long-temps après cette proclamation de l’indépendance des Boers, sans doute après avoir demandé et reçu les ordres de l’autorité supérieure, qu’il prit des mesures pour les faire rentrer dans le devoir. Le droit public de l’Angleterre, les précédens historiques et la raison politique