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Cette incomplète satisfaction ne pouvait pas suffire aux Hollandais, mais la saison vint les forcer de suspendre toute opération militaire. C’est vers cette époque à peu près qu’ils reçurent dans leurs camps la visite de deux habitans de la colonie, deux fonctionnaires anglais, M. Boshoff et l’enseigne Gédéon Joubert, qui venaient leur apporter les témoignages du vif intérêt que leurs compatriotes ne cessaient pas de prendre à leurs destinées. L’émigration, en effet, ne discontinuait pas, et ceux qui restaient dans la colonie avaient ouvert des souscriptions pour envoyer dans les camps de l’argent, des munitions, des armes, des semences, des outils d’agriculture et des vêtemens, dont on commençait à manquer. C’était ce fraternel tribut que MM. Boshoff et Joubert apportaient aux émigrés. Quelques passages du compte-rendu que M. Boshof a publié de son voyage nous montrent que le mouvement imprimé par Retief ne s’était pas arrêté avec sa mort, et prouvent les sentimens d’ordre de cette brave et honnête race, la fausseté des accusations qui la représentaient comme une population inquiète, turbulente et incapable de gouvernement.

« La principale autorité, dit M. Boshoff, est un conseil exécutif composé de vingt-quatre personnes élues par tous les citoyens, lequel fait les lois et les règlemens, nomme à tous les emplois, connaît et décide de toutes les affaires importantes. Maritz, à son titre de magistrat, joint celui de commissaire en chef ou président, et, comme tel, il a l’administration des finances publiques, tient compte des recettes et des dépenses, etc., etc. Les magistrats jugent souverainement et en matière sommaire les affaires civiles et criminelles ; mais, lorsqu’il s’agit en matière civile d’une somme de 7 liv. st. 10 sh., et au criminel d’un mois de prison ou d’une amende de 5 liv. st., ils sont assistés par six heemraden. Les jugemens ainsi rendus sont sans appel. Dans les affaires criminelles qui peuvent entraîner la déportation, le fouet ou le travail forcé pour plus de six mois, et à plus forte raison la peine capitale, les magistrats sont assistés d’un jury de douze personnes nommées gezworenen (littéralement jurés). Aucun arrêt de mort n’est exécutable, s’il n’a pas reçu la sanction du volksraad, lequel a aussi le pouvoir de faire grace. Ce conseil tient des sessions tous les mois, et plus souvent s’il est nécessaire.

« Le code de la Hollande, tel qu’il est reconnu dans la colonie, a aussi force de loi parmi eux, excepté dans les affaires purement locales. Les membres actuels du conseil et les magistrats ont été élus pour un an, période qu’on trouve suffisante dans les circonstances actuelles, mais qu’on se propose de modifier plus tard, lorsque la colonie se sera enfin fixée pacifiquement dans quelque pays. En somme, je les ai trouvés animés tous de dispositions conciliantes, se conduisant bien et observant scrupuleusement les lois qu’ils se sont données. Pendant notre séjour au milieu d’eux, nous n’avons pas entendu parler ni de querelle ni de rixe, bien que plusieurs ne fussent pas très rassurés à cet égard, vu les quantités de vins et de liqueurs spiritueuses qu’on venait de se procurer à Port-Natal. Les émigrans sont encore en général assez décemment, quoique très pauvrement vêtus. Je n’ai pas vu un seul enfant en haillons. Un certain