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ont cela de remarquable, que leur dignité résiste à la passion et aux égaremens ; elles pèchent par fragilité, par entraînement, par surprise, et la soudaineté même de leurs fautes ne laisse point à la pudeur le temps d’ouvrir ses ailes et de s’envoler pour toujours. On n’aurait pas fait avouer aisément à Pepina qu’elle n’avait plus sujet d’être fière et d’exiger du respect ; c’est pourquoi l’impression fâcheuse qu’elle emporta du spectacle de Pasquino déflora dans son esprit l’image de son fiancé.

Pendant ce temps-là, don Giuseppe ne savait quel parti prendre entre toutes ces demandes en mariage. Pour sortir d’embarras, il imagina d’envoyer quérir les trois jeunes gens et de les réunir chez lui en séance solennelle. — Mes amis, dit-il, vous me convenez également tous trois ; je ne pourrais me fixer sur l’un de vous sans manquer aux deux autres. Arrangez-vous à l’amiable, et je souscris d’avance à votre accommodement.

— Les choses étant ainsi, dit la vieille Rosalie, laissez Pepina choisir elle-même : une fille en sait plus long que son père sur ces matières-là.

Chacun des trois rivaux promit de se soumettre à l’arrêt, quel qu’il fût ; mais aussi chacun voulut plaider sa cause. Au milieu de ces préliminaires, Pepina, en regardant par la fenêtre, aperçut Dominique qui revenait de son voyage en mer. Le visage du pauvre bonacchino ne produisit point sur elle l’effet de la tête de Méduse, car au contraire, de tendres souvenirs se réveillant tout à coup dans son ame, Pepina courut chercher le vainqueur des thons et le fit entrer dans la maison : — As-tu pêché la forêt de corail ? lui dit-elle à voix basse dans l’escalier.

— Hélas ! non, répondit le bonacchino. Je n’ai gagné que dix piastres de solde et une gratification de six ducats.

— Il faut que tu aies bien du malheur. Suis-moi pourtant, et ne t’étonne point de tout ce que tu vas voir ou entendre : on ne sait pas ce qui peut arriver. Sois discret et garde le silence.

Pepina introduisit Dominique devant le conseil, en disant qu’elle aurait peut-être besoin de lui comme témoin. Gaëtano prit alors la parole. Il commença par rappeler les circonstances de sa rencontre avec toute la famille à Monreale, comment il avait fait des ouvertures au respectable père dès ce jour mémorable, et il termina par une apostrophe sentimentale dans laquelle il réclama l’honneur d’avoir, le premier avant ses rivaux, touché le cœur, jusqu’alors insensible et muet, de la belle Pepina. Giulio s’empressa d’ajouter que ledit Gaëtano ne pouvait tirer avantage de sa priorité, puisqu’il avait manqué de fidélité à sa maîtresse ; que lui, Giulio, avait trouvé Pepina tout éplorée de cet abandon, et qu’en réussissant à la consoler, il avait hérité des droits du premier amant. Don Vincenzo soutint que ces titres