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que les lieux-communs de galanterie ne les mèneraient à rien, et que le cœur de cette fille était une citadelle déterminée à ne se rendre qu’une fois et pour la vie à la fin d’un siège en règle. Tout le monde n’étant pas d’humeur à s’embarquer dans une si longue entreprise, on cherchait fortune chez la voisine, où l’on trouvait un meilleur accueil. Pepina ne s’en fâchait point ; elle attendait paisiblement son vainqueur avec sa capitulation préparée d’avance, et dont le dernier article était un bon mariage.

Sur ces entrefaites, il y eut des réjouissances à Monreale, à propos de la restauration des mosaïques de la cathédrale. Le marchand bonnetier ne manqua pas de louer une calèche de place pour y mener son monde. On partit à huit heures du matin. Les chevaux étaient ornés de grelots et de panaches pour la circonstance. Au pied de la montagne de Monreale, on s’arrêta pour visiter des maisons de plaisance, dont les jardins et même les appartemens étaient ouverts aux promeneurs, avec cette hospitalité qui distingue les gens riches de ce pays-ci. À la porte d’une villa où la calèche débarqua ses voyageurs, l’œil exercé de Faustina reconnut de loin une troupe de jeunes gens venus pour elle et pour sa compagne. Après les salutations et les complimens, don Giuseppe, toujours occupé de la signera Rosalie, offrit son bras à la dame de ses pensées, et laissa les jeunes filles au milieu de leur groupe d’adorateurs. D’autres jeunes gens, qu’on rencontra dans le jardin, connaissant plusieurs personnes de la bande, vinrent grossir le cortége, si bien qu’en arrivant à la ville, l’escorte de ces demoiselles se montait à une douzaine de cavaliers. Parmi ces galans était un beau garçon, de manières distinguées, d’une mise élégante, et dont le ton réservé faisait un contraste avec la gaieté bruyante de ses voisins. Lorsqu’un bavard laissait échapper quelques mauvaise plaisanterie, l’inconnu regardait les deux jeunes filles comme pour juger de leur esprit par l’effet que produirait sur elles une sottise, et il paraissait satisfait du sérieux que gardait Pepina, tandis que sa compagne riait à gorge déployée. Lorsqu’il fut question de danser, le jeune homme aux bonnes façons sollicita l’honneur de commencer la tarentelle avec Pepina ; mais, une fois qu’il la tint, il ne céda la place à personne, malgré les réclamations des autres cavaliers. Il dansa pendant une heure, sans respirer, et ne s’arrêta qu’au moment où sa danseuse hors d’haleine demanda grace ; les curieux qui formaient le cercle applaudirent comme au spectacle, et s’écrièrent unanimement :

— Ils sont aussi beaux l’un que l’autre. Voilà certainement le couple le plus mignon, le plus aimable qui soit dans toute la fête, et peut-être dans le monde entier.

Ces témoignages d’admiration à bout portant inspirèrent à la jeune fille une confusion mêlée de plaisir. Tandis que, par modestie, elle