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budget fût en équilibre. La simplification graduelle des services publics combinée avec le développement de la matière imposable pouvait seule désormais prévenir une irrémédiable catastrophe, et c’est à cette double tâche que s’était surtout dévouée l’administration Costa-Cabral, lorsque la misérable ambition d’un homme en qui les intérêts conservateurs avaient mis long-temps leur confiance est venue brusquement arrêter l’œuvre de reconstitution poursuivie depuis 1849.

Saldanha n’a pas eu plus tôt donné le signal de la révolte, que la contrebande, toujours à l’affût de ces sortes d’occasions, a inondé la frontière d’abord, les villes fermées ensuite, de marchandises qui échappaient ainsi tout à la fois aux droits d’octroi et aux droits de douane. Bientôt après, c’est la base même de l’impôt indirect qu’on a vu peu à peu disparaître : le commerce a jugé prudent de restreindre ses opérations devant les risques d’un état de choses qui avait le double inconvénient de condamner les hommes d’ordre à une abstention hostile, et de donner aux hommes de désordre l’arme toujours si puissante de la légalité. En même temps qu’il tarissait les ressources de l’état, Saldanha donnait une effrayante impulsion aux dépenses. Une somme considérable avait dû être distribuée, dans le premier moment, sous forme de gratifications, aux officiers, sous-officiers et soldats de l’armée insurrectionnelle de Porto ; puis sont venus les frais de campagne, les créations de grades, lesquelles ont entraîné la création de nouveaux cadres, les frais de courtage électoral, etc., etc. Ce n’est pas tout. Soit pour influencer les élections, soit dans l’espoir d’inspirer quelque confiance aux capitalistes et de les amener à souscrire un emprunt, Saldanha a simulé une subite reprise financière, et ce qui restait de l’encaisse du trésor a servi à payer les frais de cette fiction. C’est ainsi, par exemple, qu’à la fin d’août une circulaire annonça pompeusement aux employés qu’ils pouvaient venir toucher leurs appointemens du mois courant sans préjudice de ceux du mois de mai 1850, seuls exigibles à cette date. Quand les élections ont été terminées, quand l’impossibilité d’un emprunt s’est trouvée bien constatée, quand l’hypocrisie est devenue tout à la fois inutile et impossible, la vérité a éclaté comme une bombe. Au moment même où les journaux de province annonçaient que les travaux publics ordinaires étaient suspendus faute de fonds, le journal officiel publiait le décret d’une banqueroute, partielle à la vérité, mais qui ne frappe pas moins de mort tous les élémens du crédit public et privé, d’une banqueroute qui porte tout à la fois sur la dette consolidée et sur la dette flottante, sur le présent comme sur le passé, sur l’avenir comme sur le présent.

Depuis 1847, l’état rachetait chaque mois une somme assez considérable de billets de l’ancienne banque de Lisbonne dont il est le principal débiteur. La régularité de l’amortissement avait fini par rassurer les innombrables détenteurs de ces billets, dont le change était graduellement descendu de 54 pour cent à 1 et demi pour cent. Le décret qui nous occupe a en partie suspendu, pour le premier semestre de 1852, l’action de cet amortissement, et le jour même le change des billets remontait de 1 1/2 pour cent à 4 1/6 pour cent. Cette dépréciation était déjà de nature à affecter de la façon la plus désastreuse le crédit de la banque de Portugal, car une partie assez considérable de son encaisse consiste en billets de l’ancienne banque de Lisbonne ; mais ce n’é-