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cesse des Asturies. C’est là l’événement du jour, et s’il était permis, dans des temps comme les nôtres, de prévoir à long terme, on pourrait dire que cet événement est une garantie intérieure de plus pour la monarchie espagnole, en même temps qu’il étouffe dans le germe plus d’un conflit extérieur.

C’est assurément chose digne d’envie et d’estime aujourd’hui que l’état d’un pays se tenant solide et ferme au milieu des agitations européennes, ne faisant point parler de lui, si l’on nous passe ce terme, et n’ayant sa part dans l’histoire contemporaine que par les incidens ordinaires d’une existence politique normale. La Péninsule a eu cette heureuse fortune depuis quelques années. Quand le 24 février éclatait au milieu de nous en 1848, l’Espagne parvenait à se garantir de la contagion révolutionnaire, à laquelle l’Europe entière n’échappait pas ; il était tout simple aujourd’hui qu’elle n’eût point à subir en bien ou en mal le contre-coup des événemens plus récens accomplis en France. C’est l’indice d’une situation plus nette, plus nationale, plus affranchie des influences étrangères, comme nous l’avons dit quelquefois. Ce n’est point que l’Espagne n’ait, elle aussi, son travail politique intérieur ; mais si ce travail se lie, par certains côtés, à l’ensemble du mouvement européen, il a en même temps son caractère propre et indépendant. Pour peu qu’on observe cette situation, il est facile de remarquer que l’Espagne tend incessamment, depuis près de dix années, à se rasseoir dans des conditions conservatrices et monarchiques. C’est là le fait politique dominant au-delà des Pyrénées. Les partis qui ont long-temps entretenu l’agitation à la surface semblent aujourd’hui en proie à un travail de décomposition ou de transformation si l’on veut. Les bandes du parti progressiste sont dispersées sans drapeau et sans symbole. Les chefs eux-mêmes de ce parti sont divisés. Madoz a eu son programme, M. Mendizabal le sien. M. Cortina s’est à demi retiré de cette opinion sur la question des milices nationales. Il y a en ce moment, du côté du parti progressiste, opposition individuelle plutôt que collective. D’un autre côté, dans les dissidences du parti modéré, qui ont pris dans ces derniers mois un caractère assez vif, il y a, il faut bien le dire, plus de questions personnelles que de motifs sérieux et puissans. Ce que les partis ont perdu de force et de consistance, la monarchie semble l’avoir regagné depuis qu’elle est échappée aux orages des minorités et des tutelles révolutionnaires. Sans doute c’est la monarchie accommodée aux conditions de notre temps, libérale, constitutionnelle, modérée ; mais, au fond, il ne faut point s’y méprendre, c’est l’élément monarchique qui est l’élément réellement vivant et prépondérant, c’est la royauté qui reste la régulatrice des combinaisons politiques au-delà des Pyrénées. Voyez le ministère actuel : ses membres sont des plus honorables sans doute, mais ce ne sont point, à proprement parler, des chefs de parti. Ils ont eu à essuyer de rudes attaques, venues un peu de toutes parts. Leur véritable force, c’est la confiance de la couronne. Si le cabinet présidé par M. Bravo Murillo a la majorité dans le parlement, sans manquer aux principes constitutionnels en vigueur au-delà des Pyrénées, il est permis de dire que c’est la confiance de la couronne qui explique cette majorité des cortès plus encore que celle-ci n’explique le choix de la reine. Il avait été bruit récemment de quelque changement possible ; la rentrée du général Narvaez en Espagne avait naturellement provoqué des commentaires ; le retour à Madrid de M. Isturitz, ministre espagnol à Londres, était donné