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et la Poste de Stockholm venaient de disparaître, et l’opinion, émue en sens divers, s’inquiétait plus vivement que jamais des affaires publiques. En homme habile, M. Hierta s’occupa de répondre à la curiosité générale avant de songer à flatter certaines passions particulières. Aux philistins de Stockholm, il offrit dans une moitié de son journal des nouvelles, des faits divers, des anecdotes, même des jeux de mots et des charades ; il accoutuma chaque bourgeois soigneux de sa bonne humeur et d’un sommeil paisible à ne pas s’endormir sans avoir savouré cette lecture. Sur l’autre page, il s’élevait contre le despotisme, attaquait la Russie et combattait pour la Pologne. Esprit singulièrement actif et de grandes ressources, M. Hierta occupa, dès 1836, dans son imprimerie une machine à vapeur et de nombreux ouvriers. Il fut et il est encore un des principaux éditeurs et un des plus riches fabricans de la Suède. Il est de plus armateur, artiste et membre de la chambre des nobles à la diète. Ses premiers collaborateurs, MM. Sturzenbecher, Müller et le docteur Wetterbergh, jouissaient comme lui d’une grande réputation, et six mille lecteurs se faisaient les disciples de ceux qu’on nommait les sept sages de l’Aftonblad. Le roi Charles-Jean lui suscita un rival, la Patrie (Füderneslandet). Le rédacteur en chef choisi par le roi était M. Crusenstolpe, qui fut pendant quelque temps le plus intime favori du château ; chaque soir, il assistait au coucher du roi, qui lui dictait l’article du lendemain. Le Füdernesland ne réussit cependant pas à déconsidérer la cause polonaise et à faire aimer les Russes, et le succès du journal ne répondant pas aux vœux de Bernadotte ; un jour M. le comte de Brahé ferma la porte du cabinet royal à M. Crusenstolpe. Le journaliste se fit alors pamphlétaire et se vengea cruellement. Toutefois ses satires violentes jusqu’à l’exagération manquèrent le but, et les lettres que M. Crusenstolpe publie encore chaque année n’exercent plus aucune influence sur l’opinion publique. Quant au journal qu’il avait dirigé quelque temps dans le sens du gouvernement, M. Crusenstolpe l’avait bientôt abandonné, et la Pairie avait succombé sous les plaisanteries de l’Aftonblad, qui ne la nommait plus Füderneslandet, mais Fanders Eländet, c’est-à-dire la Misère du diable !

Au triomphe de l’Aftonblad, qui était un véritable succès pour le parti libéral, il faut ajouter les progrès, bien lents à la vérité, que faisait dans le parlement l’agitation réformiste. La diète de 1834 avait discuté plusieurs projets présentés par les membres des états et les avait tous rejetés toutefois elle avait obtenu l’admission des maîtres de forges à la représentation nationale. La diète de 1840 avait reconnu la nécessité d’une réforme, et les quatre ordres avaient adopté par une première lecture un projet qui admettait le principe des deux chambres et celui de l’élection ; mais elles n’avait pas renoncé à la distinction