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du don de miracle et libre de tout péché, a dû, pour échapper aux poursuites de la loi, décider une partie de ses disciples à émigrer dans l’Amérique du Nord ; ils sont allés s’établir avec lui dans le Wisconsin. La secte des anabaptistes s’est aussi montrée dans le Halland et dans les environs de Götheborg en 1850. Un marin, délégué par la société anabaptiste de Hambourg, avait formé en Suède une communauté d’une cinquantaine de personnes auxquelles il administrait lui-même le baptême et la communion. Il a été poursuivi judiciairement et banni par le tribunal de Gotha. Les Juifs ne peuvent résider que dans quatre villes : Stockholm, Götheborg, Carlscrona et Norköping ; ils sont privés de tout droit politique ; leur droit de témoigner en justice est même douteux. Enfin l’église de Suède redoute les progrès du catholicisme. On cite un peintre, M. Nilsson, qui a été banni juridiquement de Stockholm, il y a quelques années, pour s’être fait catholique. La clémence du roi lui a seule conservé une patrie. En vain le comte Stedingk, à l’avant-dernière diète, a demandé qu’on se bornât à enlever leurs droits politiques à ceux que leurs convictions religieuses conduiraient à déserter l’église luthérienne : sa proposition a été rejetée comme trop libérale. En vain les Juifs ont-ils adressé, pendant l’année 1847, une pétition sollicitant une émancipation complète : le gouvernement a nommé des commissions ; on a examiné, puis oublié leur requête, et les Juifs sont encore exclus du droit d’élire et d’être élus. Aux deux dernières diètes, un député de la bourgeoisie, M. Wärn, a proposé qu’on leur accordât préalablement tous les droits civils ; mais la bourgeoisie seule a admis cette juste demande. Les trois autres ordres l’ont dédaigneusement rejetée, comme on dit, ad acta, c’est-à-dire qu’ils ont passé à l’ordre du jour.

Le progrès des mœurs n’en amènera pas moins en Suède le progrès des institutions. En Suède comme en France, la bourgeoisie, en élargissant ainsi le sens du mot, a grandi appuyée sur la royauté. C’est elle qui soutint Charles XI dans sa lutte contre la noblesse ; c’est elle qui, dans toutes les guerres contre le Danemark, offrit à la patrie les plus nombreux et les plus énergiques défenseurs. L’industrie et le commerce ont hâté ses progrès. Tout le milieu du XVIIIe siècle, la période qu’on appelle en Suède celle de la liberté, de 1718 à 1772, a été le commencement d’une grande époque industrielle. Polhem en avait donné le signal par ces beaux travaux de mécanique et en mettant la première main au canal de Götha. Après lui, Jonas Alströmer, né d’une pauvre famille de Westrogothie, fut le Colbert de la Suède. Secondé par son concitoyen Nicolas Sahlgren et par ses propres fils, il arma des vaisseaux, ouvrit des usines, fonda des manufactures et des écoles pratiques, et donna à sa patrie une ère nouvelle de prospérité, à la classe de citoyens dont il avait d’abord été membre (il fut ensuite anobli) l’ascendant de