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a proclamé la séparation et l’indépendance de la république de Rio-Grande. Le véritable but était de s’emparer de Matamoros, siège du poste de douane ; mais l’attaque de Carvajal a été repoussée par les forces légales du Mexique, et il a été même contraint de repasser le Rio-Bravo, qui sert de point de division entre les deux pays. Les insurgés, on le comprend, n’ont point trouvé un mauvais accueil sur le territoire américain, d’autant plus qu’un grand nombre étaient citoyens de l’Union. Le général mexicain Uraga a même vainement réclamé quelques soldats blessés, transportés de force sur la rive américaine du fleuve. Aujourd’hui encore, les fauteurs de cette insurrection sont bien loin d’être découragés. De prétendus officiers lèvent ouvertement de nouvelles bandes aux États-Unis. La Nouvelle-Orléans fournit l’argent et les armes. Tout se prépare donc pour une irruption plus violente au Mexique. Nous n’avons pas besoin d’ajouter que les autorités fédérales se taisent, désarmées ou complices. C’est sur l’ensemble de ces faits que le gouvernement du Mexique a cru devoir fonder une expression nouvelle de ses griefs. Une note du ministre des affaires étrangères de Mexico, en date du 20 décembre 1851, les résume avec modération et en même temps avec un sentiment profond du péril. Que peut-il résulter de ces complications permanentes dans les relations de l’Union américaine et du Mexique ? Assurément les États-Unis ne reculeront pas ; cette race énergique poursuivra son œuvre sous la tolérance de son gouvernement ou malgré lui. Quant au Mexique, il est doublement atteint. D’un côté, ces continuelles insurrections accélèrent chaque jour la décomposition politique de ce pays, et de l’autre, leur but même porte un irrémédiable coup à ses finances. Les douanes sont la principale ressource du Mexique ; que peut-il faire, s’il perd une moitié de ses revenus par la fraude, et s’il dépense l’autre moitié à se défendre contre les fraudeurs, ainsi que le dit le ministre mexicain ? C’est là une situation intolérable à tous les points de vue, et ce qui la rend plus cruelle encore, c’est que le Mexique n’a pas même la ressource d’en appeler à quelque lutte nationale nouvelle, qui ne ferait qu’achever sa décadence et servir l’ambition de ses redoutables voisins.

CH. DE MAZADE.


REVUE MUSICALE.

Il se passe depuis quelque temps, dans le monde musical, un phénomène qui mérite d’être signalé. Pendant que les théâtres sont envahis par des couvres et des virtuoses médiocres, qui sont un témoignage trop évident de la décadence où languissent de nos jours la musique dramatique et l’art de chanter, — dans les concerts publics et privés, dans toutes les réunions choisies où la musique fait partie des plaisirs qu’on y cultive, on n’entend que des choses excellentes, des compositions sérieuses interprétées par des artistes distingués. Lorsqu’on assiste aux séances de la société du Conservatoire, à celles de la société de Sainte-Cécile, dirigée par M. Seghers, aux soirées musicales, aussi nombreuses que variées, qui se donnent à Paris pendant l’hiver, on a de la peine à croire que l’Opéra, l’Opéra-Comique, le Théâtre-Italien et l’Opéra-National se trouvent dans la même ville et sont fréquentés par ce même public intelligent et délicat qui comprend si bien les chefs-d’œuvre des vrais maîtres. Mais nous disons à tort que c’est le même public qui fréquente les concerts