Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 13.djvu/1180

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

parlementaire purement factice et l’incontestable majorité du pays ; on comprend que l’alternative ne serait guère favorable aux révolutionnaires. Nous ne serions donc pas surpris que les deux ou trois grosses questions sous lesquelles ces derniers comptaient enterrer Saldanha fussent indéfiniment ajournées par un tacite accord entre eux et le dictateur. Cette tactique de temporisation leur serait facile : au bout de trois mois de session et grace au déluge de motions qui envahit la tribune à chaque séance, la chambre des députés en est encore à la vérification des pouvoirs, sans que la presse et le pays semblent s’en étonner. Nous n’avons pas besoin de dire que le groupe chartiste n’est nullement responsable de ces pertes de temps. L’intolérance de ses adversaires le condamne à un silence à peu près absolu, et qui du reste doit lui coûter peu. La plus complète, la plus inexorable apologie des vaincus est ici la conduite du vainqueur. Saldanha venait fonder la vérité représentative, et l’arbitraire dictatorial survit à la convocation même des cortès. Il venait apporter économie et probité dans les finances, et un énorme accroissement de charges a eu la banqueroute pour pendant. Il venait enfin moraliser l’administration, et la presse portugaise retentit des mêmes accusations qu’autrefois, à cette seule différence près que les dénonciateurs sont aujourd’hui des chartistes et que les accusés ne se justifient plus. Quels discours, quelles récriminations pourraient égaler l’éloquence vengeresse de ces contrastes ?

Tandis que le Portugal se consume en agitations toujours renaissantes, la Hollande a de plus en plus à se féliciter des rapides progrès de ses établissemens d’outre-mer. Les états-généraux ont eu récemment à s’occuper de la situation des colonies néerlandaises. Un rapport très détaillé leur a été présenté sur ce sujet par le chef même de l’administration coloniale. La population de Java y est portée à 9,584,130 habitans, parmi lesquels l’on compte 16,409 Européens ou personnes qui y sont assimilées, 119,481 Chinois, 27,687 autres étrangers orientaux, et 9,420,553 indigènes. — A Sumatra, l’on compte 3 millions 430,000 ames ; à Bornéo (possessions hollandaises), 4,750,000 ; à Célèbes, 3 millions ; à Bali et Lombock, 1,205,000 ; à Timor et dans les îles adjacentes, 800,000 ames ; total (Java non compris) : 10,473,500.

Ce ne sont pas toutefois les colonies des Indes Orientales seules qui fixent aujourd’hui l’attention publique en Hollande ; on s’attache aussi à tirer un meilleur parti de celles de l’Amérique, malheureusement frappées cette année encore par la fièvre jaune, qui en a disséminé les habitans. Un sinistre causé par cette épidémie se lie singulièrement à un petit événement diplomatique, et en définitive à la démission du gouverneur de Surinam, M. le baron de Raders : il s’agit de l’affaire de la Venezia, navire autrichien affrété à Amsterdam, en destination pour Paramaribo, où il cherchait une cargaison de sucre. C’était le premier voyage entrepris par un navire autrichien vers les colonies occidentales de la Hollande, sous l’empire des nouvelles lois de navigation du 8 août 1850, et en vertu de l’arrêté royal par lequel le pavillon autrichien est assimilé au pavillon néerlandais. Après avoir opéré le déchargement de sa cargaison, ce navire avait eu le malheur de perdre par la maladie régnante la plus grande partie de son équipage et son capitaine, M. Czor, dans les premiers jours du mois de septembre 1851. Le peu de gens qui y restaient, saisis d’une panique, quittèrent le bord. Informé de cet événement, le gouverneur de la colonie, agissant