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il ne s’élevait point de dissentiment sérieux. Que le droit de siéger dans la première chambre appartint aux princes majeurs de la famille royale, aux chefs de la maison princière de Hohenzollern, aux chefs des maisons qui étaient autrefois souveraines immédiates de l’empire, enfin aux chefs des maisons qui tiendraient ce droit de la volonté royale à titre héréditaire par ordre de primogéniture, — les deux partis qui se disputaient le terrain s’accordaient à cet égard. Le désaccord roulait principalement sur la place que le parti féodal réclamait, dans une cinquième catégorie, à côté des représentans des universités et des villes, en faveur des représentans de la petite noblesse ; de la Ritterschaft, ou, si l’on veut, des hobereaux. Les libéraux opposaient à ce vœu le système de la nomination directe par la royauté. L’un des orateurs les plus habiles de l’extrême droite, M. Stahl, a déployé toutes les ressources de sa dialectique pour combattre ce système, entaché, suivant lui, d’esprit révolutionnaire. Une pairie nommée par le roi pourrait-elle être autre chose qu’un conseil d’état ? En Angleterre, la seconde chambre n’est-elle pas vraiment la première ? « Donnez-nous, ajoutait M. Stahl, une seconde chambre de cette nature, et nous voterons la première chambre que vous nous proposez. » L’honorable défenseur de la chevalerie s’est étendu d’ailleurs avec complaisance sur les vertus de la petite noblesse, vertus beaucoup plus touchantes, à son avis, que celles de la grande noblesse elle-même et tout-à-fait dignes de devenir la base non-seulement de la première chambre, mais de la constitution et de l’état. L’assemblée ne s’est point laissé attendrir par les tableaux de l’âge d’or que lui traçait ainsi M. Stahl. Le ministère, qui, dans un débat récent sur l’administration intérieure, avait montré dés dispositions si menaçantes pour les amis de la constitution, a accepté, au nom de la royauté, le concours qu’ils lui offraient au moment même où les prôneurs de la féodalité, s’abandonnant aux instincts de leur nature, s’évertuaient à limiter la prérogative royale. En vertu d’un amendement présenté par M. Koppe et adopté par la chambre à une grande majorité, la couronne conserve toute latitude dans le choix des membres de la cinquième catégorie. L’amendement se borne à déterminer qu’ils seront pris parmi les grands propriétaires ainsi que dans les grandes villes et les universités. La royauté, on le voit, n’a point à se plaindre de ce vote, qui relève, momentanément du moins, la situation du parti constitutionnel en Prusse. Les esprits distingués qui forment ce parti dans la première chambre n’ignorent point combien le maintien d’un tel accord entre eux et la couronne serait désirable. Selon toute apparence, ils ne négligeront rien pour lui faire porter d’autres fruits dans les grandes questions d’organisation administrative qui restent encore à résoudre.

Au milieu des épreuves par lesquelles les législations issues du mouvement de 1848 en Allemagne sont en train de passer, il est rassurant de voir que les droits civils sont généralement épargnés. Il est d’autant plus étrange que des constitutions libérales et républicaines, comme celle que la Suisse s’est donnée très légalement d’ailleurs à la même époque, n’en tiennent pas un compte suffisant : il est bizarre que, dans un pays où l’égalité des races et celle des cultes semblent être des principes plus importans que partout, le libre établissement des Juifs ne soit pas consacré par la loi fondamentale. L’article 44 de la constitution du 12 septembre 1848 déclare que l’exercice du culte des confessions