Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 13.djvu/1160

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

États-Unis, par M. Michel Chevalier. On y trouvera de plus le plan d’un appareil très simple, très économique et très efficace, dont M. Moncure Robinson a muni chacun des plans inclinés afin de modérer la vitesse de tout convoi descendant pesamment chargé. C’est un régulateur qui a exactement le même principe que celui qui est placé, dans toutes les cuisines, sur les tourne-broches ; seulement, au chemin de fer de Pottsville à Sunbury, il est sur de vastes dimensions, et les bras sont entièrement en planches de sapin au lieu de fer.

Ce n’est pas seulement par l’emploi judicieux des plans inclinés, c’est aussi par le concours heureusement organisé de la navigation à vapeur et du chemin de fer, que le projet de M. Stephenson révèle un esprit sagement préoccupé de l’économie et de la simplicité des moyens d’exécution. De Genève à Morges, d’Yverdun à Soleure, de Zurich à Wallenstadt, c’est le bateau à vapeur qui remplace la locomotive. La vitesse ne sera pas tout-à-fait aussi grande ; de Genève à 14 Morges, distance de 37 kilomètres, le bateau à vapeur mettra dix-huit ou vingt minutes de plus que ne le ferait la locomotive sur le chemin de fer, infériorité dont on pourrait tenir compte, s’il s’agissait d’une circulation aussi active que celle qui existe entre Liverpool et Manchester, mais sans importance pour quelque point que ce soit de la Suisse. Lorsqu’on connaît l’immense valeur des propriétés de luxe qui embellissent les bords du lac Léman de Genève à Morges, et qu’on la compare aux faibles ressources financières de la Suisse, on ne peut qu’applaudir à un projet qui épargne à l’état des expropriations ruineuses, s’il les paie à leur juste valeur, ou spoliatrices, s’il ne peut suffisamment indemniser les propriétaires.

La plus sérieuse objection qu’ait soulevée cette combinaison de M. Stephenson, ce sont les retards et les frais de transbordement occasionnés par ces changemens de voie. Pour y remédier, cet ingénieur propose l’emploi de longs bateaux à vapeur construits de manière à recevoir quinze ou vingt wagons, qui, au débarquement, passent directement sur les rails du chemin de fer avec leur chargement, et vice versa, ainsi que cela se pratique avec la plus grande facilité sur l’un des chemins les plus fréquentés de l’Écosse, celui d’Édimbourg à Perth. Ce chemin traverse ainsi un bras de mer, large de plus de 7 milles, ouvert aux grandes marées et aux énormes vagues de la mer du Nord. La vitesse moyenne du bateau est de 10 milles à l’heure ; le chargement et le débarquement ne prennent pas plus de dix ou douze minutes. Ce mode a réussi au-delà des espérances de l’ingénieur, et, malgré la situation de ce passage exposé aux mouvemens de la mer, malgré les rudes coups du vent d’est qui y règne au printemps, le service n’a été interrompu qu’un seul jour dans le cours d’une année.

Tout le réseau des chemins de fer prêts à être livrés à la circulation avec leur matériel roulant et fixe, construits à simple voie sur une étendue d’environ 650 kilomètres, ne coûtera que 102 millions, selon l’évaluation du département des travaux publics de la confédération suisse. À supposer que la dépense s’élevât à 130 millions, ainsi que le pensent quelques personnes compétentes en ces matières, la somme serait encore faible, comparée aux avantages qu’elle procurerait à la Suisse. Un exemple nous suffira entre mille pour montrer ce que la Suisse peut gagner à l’établissement du nouveau mode de