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importans sujets, qu’un comité d’officiers habiles est chargé désormais d’étudier avec suite. Presque toutes les branches de l’érudition ont produit des livres remarquables : nous citerons, entre autres, l’Histoire littéraire de la Suède, par M. Wieselgren, et celle de M. Lenström, les collections d’anciens chants scandinaves publiées par MM. Arwidson, Cavallius, etc., une excellente traduction de Shakspeare, la première en Suède, par M. Hagberg, professeur à Lund, et des travaux intéressans de M Holmberg sur les antiques empreintes qu’offrent aux historiens de l’ancienne Scandinavie les rochers de la Suède méridionale.

Il y a dans un tel ensemble de travaux tous les indices d’une grande activité intellectuelle. On peut se demander, il est vrai, si cette activité ne s’éloigne pas plus qu’il ne faudrait des voies que l’école phosphoriste avait ouvertes à la littérature suédoise. Après avoir pris la France pour modèle, la Suède a suivi l’Allemagne. Je crains qu’elle ne tende à présent à s’abandonner sur la pente de l’imitation anglaise. En dépit des efforts de ses derniers poètes, la Suède ne produit pas un assez grand nombre d’ouvrages réellement originaux. Qu’elle se garde d’imiter l’Allemagne ou l’Angleterre en littérature, qu’elle n’imite pas la France en politique ; qu’elle soit elle-même, qu’elle ait confiance dans son propre fonds. Si elle use habilement de ce qui lui a été départi d’intelligence nette et vive et de généreux sentimens à peine atteints par le vieux scepticisme de l’Europe, nous croyons, avec Geijer et Tegner, qu’elle trouvera, en interrogeant seulement ses riches souvenirs, toutes les nobles inspirations poétiques et les germes d’une littérature nouvelle encore et originale.

Une idée féconde ne périt pas. Les mêmes poètes qui, confians dans la nationalité suédoise, invitaient leurs disciples à chercher leur force dans le génie scandinave, ont aussi puisé dans le souvenir de la confraternité des races du Nord une autre espérance qui a promptement séduit les esprits : je veux parler de cette agitation qui, ayant pris naissance il y a environ trente ans dans les universités suédoises, a gagné peu à peu le Danemark et la Norvége, et qui s’appelle, dans les livres du Nord, le scandinavisme. Les trois états scandinaves ont appris, depuis 1812, quel danger les menace du côté de l’orient, et quelle force ils puiseraient dans une étroite union. La Finlande, perdue pour la Suède, reste au pouvoir des Russes comme un témoignage déplorable de leurs anciennes divisions. Pourquoi ces dissentimens ne seraient-ils pas oubliés désormais et ensevelis dans une triple et éternelle alliance ? Déjà la Suède et la Norvége sont unies sous un même souverain. L’union de Calmar fut malheureuse sans doute ; mais, depuis ce temps, est-ce que OEhlenschläger, armé du marteau de Thor, n’a pas abattu les murs de haine et d’envie qui séparaient les nationalités diverses ? Est-ce que Tegner et Geijer, en fouillant l’histoire