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le gouvernement des assemblées au gouvernement épiscopal, il ne voulait cependant pas toucher aux dogmes de la foi anglicane. Ainsi les presbytériens et les révolutionnaires nourrissaient les mêmes espérances, caressaient les mêmes illusions. Enfin le parti républicain dans l’ordre politique avait derrière lui le parti républicain dans l’ordre religieux. Les hommes qui n’avaient pas foi dans les promesses de la monarchie devaient naturellement choisir pour alliés les hommes qui, n’ayant foi ni dans l’autorité épiscopale, ni dans l’autorité des synodes, ne voyaient de salut pour l’église que dans le pouvoir des élus suscités par Dieu. Le parti républicain politique et le parti républicain religieux marchaient du même pas vers un but commun ; ils se défiaient du passé et voulaient fonder l’avenir sur la ruine du présent. Ainsi rien n’est plus facile à comprendre que l’union de ces deux partis.

M. Guizot, dans la division et la décomposition des idées et des passions qui se sont partagé la conduite de la révolution anglaise, a montré une sûreté de jugement, une pénétration, une finesse, qui feraient honneur aux historiens les plus éminens. Malheureusement, sa pénétration a quelque chose d’impersonnel : il devine avec une sagacité rare les causes lointaines, les conséquences nécessaires et les conséquences probables de chaque événement ; mais il ne paraît pas prendre part aux choses qu’il raconte, il ne s’associe ni aux espérances, ni à la colère des hommes qu’il met en scène. On dirait qu’il n’appartient pas à la race des acteurs qui ont figuré dans ce drame sanglant. Il signale avec une froide impartialité les fautes du parti légal épiscopal, du parti révolutionnaire presbytérien, du parti républicain politique et religieux, et ne témoigne ni joie ni tristesse en présence des événemens accomplis. C’est une noble faculté sans doute que l’impartialité ; mais il ne faut pourtant pas qu’elle réduise en cendres toute sympathie. Or M. Guizot, en exposant les diverses péripéties de la révolution anglaise, ne laisse pas deviner la moindre émotion. Quoique le sentiment moral soit chez lui très développé, il ne se trahit jamais qu’en maximes inanimées. Le triomphe ou la défaite du droit, la victoire ou la répression de l’injustice, ne lui arrachent jamais une parole d’enthousiasme ou d’affliction. Pour les esprits sérieux qui prennent en pitié toutes les émotions, c’est peut-être un mérite. Quant à moi, je ne saurais partager leur admiration pour cette sagacité austère qui ne voit dans les événemens humains qu’une partie d’échecs, et condamne ou absout la conduite des personnages comme la marche des cavaliers ou des tours. Quelles sont en effet les conséquences naturelles, les conséquences inévitables d’une telle méthode ? Le sentiment moral, bien que réel et sincère, finit par se confondre avec le sentiment de l’habileté. Le juste et l’injuste deviennent, aux yeux du lecteur, adresse et