Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 13.djvu/1031

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Dans l’origine, les pièces de cette nature, loin d’être imprimées, n’étaient même pas toujours écrites et ne l’étaient jamais en entier. Dans la plupart des copies qui nous sont parvenues, on remarque des scènes laissées en blanc ou dont le motif seul est indiqué. Ces passages appartiennent ordinairement aux rôles de Hanswurst et de Casperle. Les joueurs les remplissaient à leur fantaisie, ou à la gusto (sic), comme il est dit à la marge[1]. Les directeurs qui possédaient de ces rares copies, les gardaient précieusement et les transmettaient à leurs successeurs. C’est à l’aide d’un de ces vieux manuscrits que Geisselbrecht représentait son Faust. Après sa mort ou sa retraite, arrivée en 1817, sa copie devint la propriété du roi de Prusse, et M. le colonel de Below obtint, en 1832 l’autorisation de la faire imprimer à vingt-quatre exemplaires qui furent distribués en présens[2].

Avant cette époque, et dès 1808, M. von der Hagen avait formé, de concert avec quelques amis, le projet de donner au public le texte du fameux Faust de Schütz. On fit au directeur la demande de son manuscrit ; mais celui-ci, ne voulant s’en dessaisir à aucun prix, feignit de croire que le désir qu’on lui témoignait n’était pas sérieux et cachait une mystification. Bref, il refusa obstinément, quoi qu’on pût faire. Il prétendit même qu’il n’avait point de copie et qu’il jouait partie de mémoire, partie à l’impromptu. Alors plusieurs personnes se concertèrent pour écrire la pièce pendant les représentations ; mais la confrontation des copies fit remarquer un grand nombre de variantes qui prouvèrent qu’en effet Schütz recourait dans beaucoup de passages à l’improvisation. Toutefois M. von der Hagen rassembla ces matériaux et les combina de manière à en former un texte. Malheureusement il n’a publié que le premier acte, et s’est borné pour les trois autres à une analyse. Ce travail n’a paru que long-temps après, en 1841, dans le recueil intitulé Germania, puis dans le Closter.

En 1846, M. Charles Simrock, honorablement connu par ses poésies et par son livre sur les légendes du Rhin, profitant de la publication de M. von der Hagen, de quelques études analogues de MM. François Horn et Émile Sommer, et surtout aidé de ses propres et récens souvenirs, publia à Francfort, le texte complet de la pièce populaire sous le titre de « Doctor Johannes Faust, pièce de marionnettes, en quatre

  1. On trouve notamment plusieurs exemples de scènes en blanc dans le Faust des marionnettes d’Augsbourg. Voyez Das Closter, t. V, p. 829 et 844.
  2. Von der Hagen, Das Alte…, etc. Voyez Das Closter, t. V, p. 733. Vers la fin de sa vie, Geisselbrecht paraît avoir éprouvé des scrupules sur quelques passages de la pièce de Faust, où la religion et les bonnes mœurs lui semblaient offensées. Il avait souligné ces passages dans son manuscrit, pour les passer à la représentation. Une note de sa main nous apprend que, par délicatesse de conscience, il renonça tout-à-fait à donner cette pièce avant de quitter sa profession.