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voisin du Nord, défendit, le 28 août, sous les peines les plus sévères, de représenter Menzicoff[1].


VII. – MARIONNETTES DEPUIS LES PREMIERS ECRITS DE GOTTSCHED JUSQU’A L’APPARITION DU FAUST DE GOETHE.

L’excès d’absurdité auquel était descendu le répertoire de Reibehand et de ses émules provoqua une réaction classique en faveur de la poésie, de la langue et du sens commun. Gottsched fut le promoteur et l’avocat de ce mouvement, qui prit un caractère national. Bientôt une autre école, douée d’un sentiment plus délicat et plus profond de la beauté dans l’art et dans la poésie, se forma sous la haute inspiration de Lessing, qui, comme Gottsched et mieux que Gottsched, donna le précepte et l’exemple. L’Allemagne lettrée était enfin arrivée à se préoccuper des questions les plus fines et les plus fécondes de la philosophie de l’art. Déjà la voix de Klopstock se faisait entendre. Goethe et Schiller enfans croissaient au milieu de ces espérances confuses et de ces élans contradictoires qu’ils devaient bientôt régler et satisfaire. Cependant la réforme entreprise par Gottsched eut, entre autres résultats salutaires, celui de rendre au théâtre son importance et aux acteurs leur dignité. Poètes et comédiens commencèrent à marcher ensemble vers un même idéal. Cette réhabilitation des artistes dramatiques amena naturellement leur divorce d’avec les marionnettes. La rupture se fit de bon accord et sans secousse, sauf en quelques lieux, comme à Vienne, où il y eut un peu de mauvaise humeur et de rivalité, entre les grands théâtres, notamment celui de la porte de Carinthie[2] et les marionnettes de la Frayung, de la place du marché des Juifs et du faubourg de Léopold. Les marionnettes rentrèrent à petit bruit dans leur sphère modeste ; elles revinrent de bonne grace à leur ancien répertoire, composé de drames bibliques et de légendes populaires. Le docteur Faust surtout et son humble élève, son famulus Wagner, continuèrent d’attirer la foule qui se passionnait de plus en plus, pour les subtilités métaphysiques et était tout près d’être atteinte par les rêves de l’illuminisme. Les Puppen-Spieler, de leur côté, ne négligèrent rien

  1. Les théâtres de marionnettes sont très sévèrement surveillés par la police de Prusse. En 1794, on supprima beaucoup de ces théâtres, dont les représentations blessaient, dit-on, les mœurs. (Edickten-Sammlung, 1794, n° 55.)
  2. C’est à la porte de Carinthie que Jos. Stranisky établit en 1708, selon M. Schlager, ou en 1713, selon M. Floegel, le premier théâtre de comédiens allemands qu’on ait vu à Vienne. Stranisky avait aussi des marionnettes ; il les sépara de ses acteurs en 1721 et les relégua sur la Frayung (voyez Schlager, p. 268, 269 et 363). Sa veuve s’opposa en 1728 à la demande formée par la veuve Theodora Danesin d’établir un jeu de marionnettes italiennes dans un des faubourgs de Vienne. Voyez Schlager, p. 271 et 371.