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su transporter les douceurs du foyer domestique. Quelques planches mobiles recouvrent, pendant le jour, le lit sur lequel elles reposent; près de la poupe, pétille le fourneau destiné aux apprêts de leur frugale cuisine; au fond d’une obscure retraite, les génies protecteurs aspirent l’encens des bâtonnets ou le parfum du sam-chou, et gravement assis sur la natte de rotin, promenant autour d’eux de tranquilles regards, les marmots au teint cuivré attendent en silence l’écuelle de riz promise.

Quand nous avions fait choix de la barque qui devait nous déposer sur le rivage, — choix difficile au milieu des appels empressés et des protestations bruyantes de toutes ces joyeuses batelières, — la tanka à laquelle étaient échus cet honneur et cette heureuse aubaine nous conduisait en quelques minutes au pied de l’une des cales de la Praya-Grande. Une longue rangée de maisons, aux massives arcades, cachant sous un badigeon jaune les injures du temps, se déploie sur ce vaste quai constamment battu par les vagues, et rappelle encore une prospérité depuis long-temps disparue. La Praya-Grande est la promenade favorite des étrangers qui résident à Macao, Anglais, Américains, Espagnols, Parsis de Bombay, à la robe longue et flottante, qui, par leurs traits fortement prononcés, leur costume et leur démarche solennelle, rappellent les Arméniens de Smyrne et de Constantinople; mais nous n’avions que trop d’occasions de contempler l’uniforme tableau de cette mer déserte et boueuse que sillonnent lourdement les grossiers sampans des pêcheurs : nous avions hâte de détourner nos yeux des îles de Typa et de Ko-ho, groupe aride dont les sommets dénudés entouraient notre mouillage, et sur lesquelles la fureur des typhons ne respecte que quelques sapins rabougris ou de maigres bruyères. Nous cherchions donc, en débarquant, un chemin qui pût nous soustraire à cet aspect monotone. Le plus souvent nous sortions de la ville, et nous tournions nos pas vers l’isthme sablonneux qui forme la limite des possessions portugaises. Macao et Calcutta sont à peu près situés sous le même parallèle. Il ne faut pas s’attendre cependant à trouver sur le territoire concédé aux Européens par l’empereur Kang-hi la somptueuse végétation des tropiques. Un seul palmier y languit obscur, à l’un des angles les plus abrités de la ville. Le vent du nord, aussi vif, aussi froid que dans les mers de la Grèce, dessèche sur ces côtes qu’il dévaste les germes qu’ont fait éclore les humides ardeurs de l’été. Aussi les deux chaînes de collines entre lesquelles se trouve pressé l’inégal territoire de Macao ne sont-elles pas moins dépouillées de verdure que le front chauve des Cyclades ou des promontoires de la Morée. La chaîne septentrionale n’est qu’une immense nécropole où reposent huit ou dix générations de Chinois; mais, au pied de ces montagnes, les villages de Monchion, de Patane et de Mongha égaient de leurs toits aux