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meurtre par guet-apens, aurait-elle osé dire presque, almost? Et dans quel cas donc y aurait-il trahison tout-à-fait ?

Peut-être allons-nous trouver l’aveu direct d’un complot contre la vie de Darnley. Je ne le vois que dans une seule phrase, qui ne s’applique que trop clairement : Pensez aussi si vous ne pourriez trouver quelque moyen plus secret, un breuvage, par exemple, car il va prendre médecine à Craigmillar, ainsi qu’un bain, et il ne peut pas sortir du logis de long-temps[1]. Qui nous assure qu’à cet endroit-là la main de l’interpolateur n’a pas inscrit ces mots exécrables? Je lis vers le milieu de la lettre : « Excusez-moi si j’écris si mal; je suis fort souffrante; » et, tout à la fin : « Excusez ma mauvaise écriture, et lisez cela à deux fois; excusez aussi mon griffonnage : n’ayant pas de papier hier soir, j’ai écrit sur des notes. » Une écriture hâtée, une lettre en partie écrite sur un papier déjà rempli par des notes : que de commodités pour les mains d’un faussaire! Mais l’interpolation semble se trahir surtout par la place qu’occupe cette phrase et par l’impossibilité d’en découvrir le lien avec ce qui précède ou ce qui suit. On la dirait glissée, faute d’une autre place, parmi des pensées qui l’excluent, peut-être au bas de quelqu’une des feuilles volantes sur lesquelles la lettre était écrite. Voici le passage :


« Hélas! je n’ai jamais trompé personne, mais je me livre à votre volonté; faites-moi savoir par un mot ce que je dois faire, et, quelque chose qui m’arrive, je vous obéirai. » Ici se place l’abominable phrase : « Pour le dire court, continue Marie, il est en grand soupçon; néanmoins il se fie à ma parole, non toutefois jusqu’à me dire tout ce qu’il a sur le cœur; mais si vous voulez que je lui fasse des aveux, je saurai tout de lui. Jamais d’ailleurs je ne trahirai volontairement quelqu’un qui met sa confiance en moi. Pourtant vous pouvez me commander tout, et ne m’en estimez pas moins, car c’est à cause de vous que j’agis de la sorte. Je ne le ferais pas pour me venger personnellement. Il m’a fait quelques insinuations vives sur ce que je crains, jusqu’à dire tout haut que ses fautes à lui avaient été publiques, mais qu’il en est d’autres qui en commettent de secrètes, desquelles ils s’imaginent qu’on ne parle pas tout haut, tandis que petits et grands en causent. Même il a touché à lady Reres[2], disant: «Je prie Dieu qu’elle vous serve pour votre honneur, et que ni lui ni personne ne pense que vous n’avez pas en vous le pouvoir de vous-même, voyant le refus que vous m’avez fait. » pour conclure, il se défie certainement de cette dame pour ce que vous savez, et il craint pour sa vie. A la fin, après trois ou quatre bonnes paroles que je lui ai dites, il est redevenu gai et content. »

  1. Traduction écossaise : « Advise to with yourself if ye can finde out ony mair secrete invention by medicine : for he should take medicine und the bath at Craigmillar. He may not cum forth of the house this lang time. » Traduction anglaise : « Think also if you will not find some invention more secret by physick ; for he is to take physick at Craigmillur, and the bath also, and shall not come forth of long time. »
  2. Cette lady Reres était une des dames d’honneurs de la reine, sa complaisante dans son intrigue avec Bothwell.