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des copies, et encore ces copies ne sont-elles que des traductions des originaux primitivement écrits en français : première raison, sinon pour nier les lettres, du moins pour les examiner de fort prés. Toutefois ces originaux ont été vus et lus ; les traductions qu’on en a données sont fidèles ; j’en crois sur ces deux points l’excellente critique de M. Mignet: ce dont je doute, c’est la parfaite sincérité des originaux.

La découverte de ces lettres et l’usage qu’en firent les ennemis de Marie ne sont pas un des épisodes les moins intéressans de sa triste histoire. Le 20 juin 1567, après la défaite de l’armée royale et l’emprisonnement de Marie au château de Lochleven, le comte de Morton, un des lords confédérés, faisait enlever sur la route d’Édimbourg à Dunbar un serviteur de Bothwell, Dagleish, porteur d’une cassette contenant divers papiers. Cette cassette, marquée au chiffre de François II, avait été donnée par Marie à Bothwell. Celui-ci l’avait laissée dans la forteresse d’Édimbourg, que commandait un de ses amis, sir James Balfour. Vaincu et fugitif, il la lui fit redemander ; Balfour la remit à Dagleish, en livrant, selon toute apparence, Dagleish lui-même à Morton. Des lettres écrites avant et après le meurtre de Darnley, des sonnets et autres poésies, un contrat de mariage, le tout écrit en entier ou signé de la main de Marie, tel était le contenu de la cassette.

Ces papiers restèrent du 20 juin au 4 décembre 1567 dans les mains de Morton et de Murray, frère naturel de Marie, devenu régent, et fort intéressé, ce semble, à ce que la conjuration qui le mettait à la tête du royaume parût le juste châtiment d’un crime avéré et non un acte de rébellion qui s’autorisait de prétextes et d’apparences. C’est ce même jour de décembre, six mois après la capture de la cassette, que Murray produisit ces lettres dans le conseil privé. Ce conseil, où Marie avait deux sortes d’ennemis, les anciens et ceux plus dangereux que sa chute lui avait faits, tint les lettres pour authentiques, et en signa la déclaration, ajoutant qu’il regardait Marie comme complice du meurtre de Darnley. Le 15 du même mois, le parlement d’Écosse, auquel les lettres furent présentées, en affirma également l’authenticité, ainsi que la preuve de complicité qui en résultait ; mais, comme si cette preuve toute seule ne lui eût point paru concluante, il tirait de la conduite de la reine après le meurtre, de son mariage précipité avec Bothwell, une certitude de plus qu’elle avait « participé d’intention et D’acte, art and part, au meurtre de son légitime époux. » Quel était ce parlement ? Était-ce le même qui, six mois auparavant, avait confirmé tous les honneurs prodigués par Marie à Bothwell, ou bien était-ce un nouveau parlement convoqué sous l’influence des ennemis et des vainqueurs de la reine ? Dans l’un comme dans l’autre, je ne vois guère de bons juges en vérification d’écriture ; mais j’en vois bien