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patientes recherches, une Histoire du comté et de la vicomté de Carcassonne qui offre des parties excellentes. M. Mahul, de son côté, s’occupe de rassembler les élémens d’une statistique des paroisses, abbayes et châteaux du diocèse, et, si les études historiques sont restées long-temps en arrière dans le département de l’Aude, il y a lieu d’espérer que le succès du livre de M. Gros et le zèle de M. Mahul leur imprimeront une féconde et profitable activité. Dans toute cette partie de la France, les institutions sociales et politiques paraissent appeler plus particulièrement l’attention des érudits.

Comme la constitution de Carcassonne, la constitution de Toulouse a été l’objet d’une étude savante et approfondie, principalement en ce qui touche la pénalité relative aux meurtres avec ou sans préméditation. L’auteur de cette étude, M. Belhomme, constate, entre autres faits curieux et complètement exceptionnels, qu’à Toulouse les lieux de refuge perdaient leur privilège pour les meurtriers, les assassins et ceux qui s’étaient rendus coupables de vol nocturne avec effraction. Il constate également, pour tout ce qui se rapporte à l’organisation politique, que l’exercice du droit électoral était aussi étendu dans la ville qu’il pourrait l’être de nos jours sous le règne de la démocratie la plus avancée. — Ce que n’a point dit M. Belhomme, et c’est là un point fort curieux à étudier, c’est qu’à côté de cette organisation populaire, le principe d’autorité avait une force singulière, que les magistrats de Toulouse étaient en quelque sorte inviolables, que la moindre atteinte portée à leur pouvoir, la moindre calomnie contre leur honneur, étaient considérées comme des crimes de lèse-majesté et punies avec une rigueur extrême. Une fois nommés, ces magistrats se trouvaient tout-à-fait affranchis de la tutelle de ceux qui les avaient délégués pour rentrer sous la juridiction de la royauté et des parlemens. De la sorte cette souveraineté du peuple ne s’exerçait que sous le contrôle d’une autorité supérieure, qui la limitait, la réglementait et la défendait au besoin contre ses propres égaremens. Ce sont là, on le voit, des questions d’un incontestable à-propos. Il en est de même du travail de M. Dubor intitulé Études historiques sur le mouvement social en France pendant le onzième siècle. Cet excellent travail a paru en 1849, dans les Mémoires de l’académie nationale de Toulouse, et à cette date il était tout-à-fait de circonstance. Toutes les médiocrités vaniteuses, toutes les ambitions déçues, toutes les imaginations souffrantes semblaient organiser alors une vaste conspiration, non pas seulement contre l’ordre actuel de la société, mais contre le bon sens et la morale universelle. Le même phénomène se produit au XIe siècle. Une foule de doctrines funestes se répandent sous le nom de manichéisme, et, comme de notre temps, les préceptes de la soumission aux lois providentielles sont l’objet d’une protestation haineuse. Tantôt sous le drapeau de la philosophie, tantôt sous le drapeau de la religion, des sectes indisciplinées cherchent l’abolition du mal dans l’égalité absolue ; elles déclarent la guerre à tous les pouvoirs séculiers, à tous les pouvoirs spirituels ; elles attaquent la famille, la propriété, et, pour arriver à la communauté des biens, elles proclament, comme les fratricelli et les adamites, la promiscuité des femmes. Par cela même qu’elles s’adressaient aux mauvaises passions et aux mauvais instincts, les doctrines nouvelles firent de nombreux adeptes dans les classes élevées de la société, ainsi que dans l’église. Leur influence se fit sentir même sur ceux qui tentèrent de les