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cherche, en l’appelant vagabond, à l’intimider par de rudes menaces. Son inquiétude égale sa colère. Il y revient pendant plus de trois semaines et multiplie les précautions, tant il craint d’être deviné. L’affaire n’était pas fort grave. Garrick était lié avec Woodfall ; il avait même une part dans la propriété du Public Advertiser. et c’était l’éditeur qui, s’occupant alors de l’édition complète, avait écrit à son associé, spontanément et sans aucune intention, que Junius allait cesser d’écrire. Garrick en avait, dans sa correspondance, fait part à ses amis comme d’une nouvelle intéressante, et notamment à l’un d’eux qui se trouvait à Richmond, un M. Ramus, page du roi. Le courroux de Junius était donc aussi peu fondé que ses craintes, et il en fut pour ses frais d’injures et de malédictions. Maintenant, les commentateurs se sont demandé comment il avait pu être averti si vite des nouvelles qui parvenaient au roi. M. Wade dit que sir Philip Francis était lié avec Garrick, qui fréquentait la maison de lord Rolland, ou plutôt que ce dernier avait pu tenir la nouvelle du roi lui-même et la transmettre à son chapelain, le père de Francis. M. Jaques, au contraire, établit qu’à cette époque lord George Sackville habitait dans le parc de Richmond une maison du poète Thompson qu’on y montre encore, et que, par les relations qu’il devait avoir conservées avec l’intérieur du palais, il pouvait à point nommé être informé de tout ce qui s’y passait. Il avait entre autres pour ami sir Jeffery Amherst, aide-de-camp du roi, et dont la famille, originaire du Kent, était voisine de la sienne. Ajoutons immédiatement que ses relations étaient également intimes avec l’alderman Sawbridge, du même comté, à ce point qu’il lui céda une fois son siège au parlement. Enfin il était fort lié avec d’Oyly. dont il fit plus tard, étant ministre, son secrétaire de confiance. Or d’Oyly, Sawbridge, Amherst, ce sont tous trois autant de protégés de Junius. Le premier surtout paraît être entré si avant dans l’intimité de lord George, qu’on a imaginé qu’il pouvait être dans la confidence de son secret et lui servir d’aide ou de copiste. Le rang de lord George s’accorde assez bien avec la supposition d’un Junius entouré d’auxiliaires à ses ordres, et les services de d’Oyly expliqueraient suffisamment la chaleur avec laquelle son protecteur l’aurait vengé de lord Barrington. Junius, qui prétend quelquefois n’avoir pas de confident, parle cependant à son éditeur, dans un billet du 18 janvier, du gentleman qui se charge du transport de leur correspondance, et l’on comprend en effet que ce ne pouvait guère être un grand personnage, comme le fils du duc de Dorset, qui fît, à cinquante-six ans, toutes les courses et toutes les commissions nécessaires. Il fallait un intermédiaire et qui ne fût pas un domestique. Ce pouvait être d’Oyly ou même Francis ; mais quel eût été le gentleman dont Francis se fût servi ? Francis se fût servi lui-même. Mais alors il faut toujours qu’il