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On peut lui imputer, comme un malheur dont elle est responsable, l’inexpérience sous laquelle ont succombé les hommes les mieux intentionnés que le mouvement de 1848 ait portés aux affaires. Incapable de se défendre elle-même contre ce brusque assaut de la démagogie, elle avait empêché ses successeurs de se préparer à le recevoir ; elle avait empêché l’éducation constitutionnelle de l’Allemagne sans l’avoir habituée à la discipline du bon plaisir. L’Autriche serait donc tout-à-fait bien inspirée si elle renonçait, comme elle le dit ou le fait dire à ses anciens erremens ; si elle méditait, comme elle s’en vante, la régénération de l’Allemagne par la régénération de la diète. Nous ne demandons pas mieux que d’assister à ce beau spectacle, et autant nous avions peu de goût pour une concentration violente des forces nationales de l’Allemagne, autant nous applaudirions à l’établissement équitable d’une sage et raisonnable union entre tous les peuples de ce grand pays.

À cela, malheureusement, il n’y a qu’une difficulté, c’est que la première condition que l’Autriche veuille débattre à Francfort, la première exigence qu’elle y apporte n’est encore autre que celle sur laquelle on s’est heurté si vainement à Dresde : il lui faut l’entrée de tous ses états non allemands dans la confédération. L’Autriche propose toujours à la Prusse le même marché avec la même persistance inflexible et hautaine. La Prusse n’a plus, depuis 1848, que 500,000 sujets qui ne soient pas compris dans le corps fédéral ; à remonter même au-delà, elle n’avait en dehors de la fédération germanique que ses deux provinces de Prusse orientale et de Posen : ce sont les districts polonais de Posen qui restent encore séparés. L’Autriche offre de tenir pour allemandes ces 500,000 ames polonaises, mais c’est parce qu’elle entend elle-même introduire d’abord dans le nouvel empire allemand ses Polonais à elle, ses Hongrois, ses Illyriens, ses Italiens, qui ne font pas moins de vingt-quatre millions d’hommes. Le cabinet de Vienne se gouverne en toute cette affaire à peu près comme les républicains de profession se comportent chez nous dans l’affaire de la révision. Il veut ou ne veut pas du pacte de Vienne, selon qu’il l’accommode ou le gêne. Il en veut pour astreindre la Prusse, il n’en veut plus quand il s’agit pour lui-même de s’ouvrir l’Allemagne par une large brèche que le pacte ne l’autoriserait point à y faire.

La Prusse cependant s’empresse de déclarer en toutes circonstances que son développement intérieur ne sera point gêné par ces relations nouvelles qu’on peut bien dire inattendues après les vicissitudes de 1848. Elle fait bonne mine à mauvais jeu. C’était là le principal du discours prononcé par M. de Manteuffel et lors de la clôture du parlement. C’est encore ce que voudrait donner à entendre, par rapport à la Russie, un article semi-officiel publié dans la Gazette de Prusse au sujet de l’entrevue de Varsovie. Autre exemple de ces rapprochemens qui sont comme des malices du sort : le roi Frédéric-Guillaume quitte l’hospitalité protectrice du czar pour venir inaugurer à Berlin la statue triomphale du grand Frédéric, et, pendant ces fêtes nationales qui rappellent à la Prusse des temps plus prospères, l’empereur de Russie va jusqu’à Olmütz au-devant du jeune empereur d’Autriche. On jurerait qu’il isole ainsi tout exprès l’un de l’autre les souverains qui semblent maintenant accepter ses directions, comme pour marquer davantage l’ascendant qu’il exerce. Du reste, à ne voir que les dehors de