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Paris pendant les évènemens de juin 1848 ; c’était l’armée du désert qui devait le dévorer, et encore, pour s’en servir, fallait-il le faire tremper dans l’eau. Les officiers n’étaient pas mieux traités que les soldats ; en expédition, les vivres sont les mêmes pour tout le monde. Les difficultés de communication avaient fait d’ailleurs tout sacrifier au transport des choses les plus indispensables, et nos soldats, après ces nuits de tranchée où souvent des torrens de pluie venaient glacer leurs membres déjà engourdis par la fatigue, n’avaient pas même une goutte de vin ou d’eau-de-vie pour la mêler à l’eau saumâtre des rigoles de l’oasis. Nul ne se plaignait cependant. Tous puisaient dans le sentiment du devoir accompli, et dans le juste orgueil qu’il inspire, la force nécessaire pour résiste à tant de privations et de fatigues. Déjà plus de six cents hommes avaient succombé ; dès qu’ils étaient atteints par le feu ou par la maladie, on les évacuait sur Biskara, où, faute d’espace, ils ne pouvaient être reçus que sous des tentes. Le colonel Carbuccia, officier d’une activité rare, y fut envoyé en remplacement du colonel de Mirbeck, rappelé par le général Herbillon devant Zaatcha avec sa cavalerie que les attaques récentes des nomades devaient rendre très utile. Le colonel Carbuccia, chargé à la fois d’assurer tous les services et de surveiller avec la légion étrangère les communications de l’armée, s’acquitta de sa mission à la satisfaction de tous.


III

Les opérations du siége allaient enfin entrer dans une moins triste période. Le colonel Canrobert accourait d’Aumale pour prêter main forte à l’expédition. Il. arriva le 8 au soir avec un millier d’hommes. Le choléra s’était déclaré dans sa colonne pendant sa pénible marche, et lui avait enlevé le huitième de ses soldats[1]. Malgré ce surcroît d’inquiétudes, l’arrivée du jeune colonel à la tête de ses zouaves fut saluée avec joie comme un heureux présage de la fin du siége. On le regardait comme l’homme le plus capable de prêter un appui énergique et expérimenté au général Herbillon. Depuis longues années, le colonel Canrobert avait su conquérir, dans de nombreux combats ; la confiance et l’affection de l’armée d’Afrique.

Dans la nuit du 10 au 11, les Arabes vinrent, à deux reprises différentes ; tirer de très près sur le camp du côté de Farfar. Pour empêcher le renouvellement de cette agression, dans la matinée du 11, on construisit une redoute à trois cents mètres de la limite de l’oasis. L’ennemi, furieux de voir son projet déjoué, fit de grands efforts contre

  1. Le choléra fut ainsi au milieu de l’armée de Zaatcha ; depuis ce jour, il fit autant de victimes que le feu de l’ennemi.