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cette impérieuse nécessité, qui est une conséquence absolue de la civilisation moderne ? Voilà ce qu’il aurait fallu déterminer.

Nos gouvernemens antérieurs avaient eu chacun sa tâche particulière. Lorsque le premier consul, il y a un demi-siècle, jetait les bases d’un vaste système d’instruction publique, il en appropriait le programme aux besoins d’une société qui avait rompu avec les traditions des grandes études littéraires. En relevant le niveau de l’enseignement, il servait la cause de l’esprit humain et cherchait à retenir entre les mains de la France cette initiative intellectuelle si profondément empreinte dans notre histoire. — La restauration suivait la voie tracée en s’efforçant de rattacher davantage l’éducation à une pensée religieuse ; elle y aurait mieux réussi sans aucun doute, si elle n’avait pas mêlé d’aussi près à la politique proprement dite les intentions qui la dirigeaient. — Le gouvernement de juillet vint ensuite asseoir l’enseignement primaire sur une base élargie et renouvelée. Descendant des hautes régions de la société, l’instruction projeta bientôt ses rayons sur les populations laborieuses. Les masses commencèrent à participer, en une certaine mesure, au mouvement intellectuel de la France. Ce ne sera pas le moindre honneur du dernier gouvernement devant l’avenir que d’avoir contribué à rehausser le travail en relevant l’état moral du travailleur. Facile encore à détourner de la voie régulière, parce qu’il, n’est pas suffisamment éclairé, l’esprit du peuple ne s’en est pas moins prodigieusement étendu ; le domaine du raisonnement s’est agrandi, et, après avoir un moment cédé à des excitations irritantes en 1848, le bon sens des masses a été la digue contre laquelle est venu expirer un débordement impétueux et inattendu. Ce résultat, on en était redevable aux efforts antérieurement accomplis pour développer la raison populaire.

Qu’a fait à son tour la révolution de 1848 ? En se plaçant au point de vue philosophique, on reconnaît qu’elle a eu pour effet de rappeler l’attention sur tous les grands problèmes de la sociabilité humaine. Elle a obligé la société à reprendre l’étude trop délaissée de ses lois fondamentales, et à expliquer ces mêmes lois de manière à les rendre accessibles aux esprits les moins cultivés. Elle a provoqué de cette façon, parmi les intelligences populaires, un grand travail qui s’est accompli dans l’ordre moral, religieux, politique, comme dans l’ordre purement intellectuel, et qui mérite d’être étudié sous ces différens caractères ; mais quelles institutions a-t-elle créées jusqu’à ce jour pour répondre à ce mouvement des esprits, et, par exemple, pour développer l’instruction spéciale qui convient aux masses ? Nous voyons bien dans la constitution le mot d’éducation professionnelle placé là comme un point de départ. C’est une parole stérile encore ; rien de nouveau n’a été tenté pour la réalisation de cette promesse, et beaucoup d’idées fausses, engendrées