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tomba frappé d’une balle à la téte, et l’armée marqua d’un deuil ce premier suceiis. Bou-Zian arrivait à Seriana au-devant d’Abd-el-Afidt ; à la nouvelle de la déroute, il se hâta de rentrer à Zaatcba.

Cependant le général Herbillon, commandant de la province de Constantine, était parti du chef-lieu de sa division avec une colonne renforcée de troupes qui lui étaient envoyées par mer de la province d’Alger. Il emmenait un nombreux convoi de chameaux, chargés d’outils, de sacs à terre et de munitions d’artillerie, pour être en mesure d’assiéger Zaatcha, véritable point de résistance de tous les révoltés : c’était Zaatcha qu’il fallait faire tomber avant de penser à dominer l’insurrection, dont le rayonnement se propageait de proche en proche jusque dans les provinces d’Alger et d’Oran. Le général Herbillon, qui joignait a des qualités militaires incontestables une longue expérience de la guerre d’Afrique, ne négligea rien pour assurer le succès de ses opérations et ménager à la fois la santé de ses soldats. Sa colonne expéditionnaire, qui s’était augmentée de troupes prises à Batna et à Biskara, pouvait s’élever à près de quatre mille hommes de toutes armes, lorsqu’elle arriva, devant l’oasis le 7 octobre au matin. À partir de ce moment, tout l’intérêt de la lutte engagée entre les gens des Ziban et les Français se concentra sur ce seul point. Les palmiers, les jardins de Zaatcha, furent le théâtre principal de la guerre cruelle dont nous avons montré les causes, dont il nous reste à retracer les incidens. L’engagement de Sériana avait été l’avant-coureur d’une série de combats acharnés et d’opérations continuées de notre part avec une persévérance héroïque à travers toutes les lenteurs d’un siége en règle.


II

La petite ville de Zaatcha est située vers la partie nord-est de l’oasis qui porte son nom. Une forêt de palmiers l’entoure de tous côtés, et ne laisse même pas découvrir le minaret de sa mosquée. À la lisière du bois, on voit une zaouia[1] dépendante de la ville, et auprès de laquelle un groupe de maisons forme comme un ouvrage avancé de la place. En partant de la zaouia pour pénétrer dans l’oasis, on est arrêté, dès les premiers pas, par une infinité de jardins enclos de murs à niveaux différens, suivant leur genre de culture, la plupart coupés par des canaux d’irrigation et comprenant, outre des palmiers, toutes sortes d’arbres fruitiers qui gênent la vue, et rendent toute reconnaissance impossible. Les rares sentiers qui mènent à la ville sont resserrés entre les murs de ces jardins, et ce n’est qu’après de nombreux détours

  1. Zaouia, espèce de couvent habité jar des Arabes savans, religieux et guerriers.