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d’une éducation distingués, mais d’une humeur aventureuse et inconstante, abandonna la scène, où elle avait débuté avec quelque succès, et ouvrit vers 1737 un grand théâtre de marionnettes, a great puppet-show, situé, comme elle nous l’apprend dans son autobiographie, à Tennis-Court, dans James street, près de Hay-Market. Ruinée bientôt par sa mauvaise conduite, elle se trouva heureuse de recevoir une guinée par jour pour faire agir et parler les marionnettes de Russel, dont la loge était située à Kickford’s great Rome, dans Brewer street[1].

Cependant les sujets bibliques, les ballades populaires et les joyeuses plaisanteries de Punch n’en continuaient pas moins d’intéresser ou d’égayer la foule, au moins dans les foires. Hogarth a réuni, dans une belle gravure datée de 1733, toutes les merveilles accumulées à Southwark fair. Ici, un petit joueur de musette, accompagné d’un singe en habit militaire, fait danser deux poupées avec le pied ; là, une femme dans le costume de la Savoie, et sa vielle sur le dos, montre la lanterne magique à un enfant émerveillé. Dans le fond, on voit l’entrée d’un puppet-show, sur la porte duquel est écrit en grosses lettres Punch’s Opera. Une grande pancarte qui pend sur le balcon indique le spectacle du jour. Dans un des compartimens, Polichinelle est peint chevauchant tant bien que mal, tandis que son coursier bien dressé visite à fond les poches d’Arlequin ; sur un autre compartiment, on reconnaît une scène de la Bible, Adam, Ève et le serpent : c’est encore le sujet du Paradis perdu[2].

Gay, dans la peinture d’une foire de village, touchée à la manière fine et naïve de Gérard Dow, introduit une scène à peu près semblable, et où Punch n’est pas oublié :

… Ici un charlatan, monté sur des tréteaux, vend à la foule rustique ses baumes, ses pilules et ses spécifiques contre la pierre ; là, le sauteur agile s’élance, et la jeune fille vole hardiment sur la corde. Plus loin, Jack Pudding, habillé d’une veste de deux couleurs, agite un gant et chante les divertissantes prouesses de Punch, à savoir, les poches vidées dans la foule et toutes sortes de gaies fourberies ; puis, passant à un mode plus triste, il chante les enfans dans la forêt, l’oncle barbare, les pauvres petits cueillant des mûres dans le désert sauvage, et souriant sans défiance à la vue du poignard qui brille… Il chante la complainte de Jeanne violée par un matelot… et les guerres déplorables qui ensanglantèrent la forêt de Chévy[3].

Jusqu’ici, comme on voit, poètes et chanteurs forains n’imputent encore à maître Punch que quelques peccadilles amusantes ; mais nous

  1. Biograph. dramat.
  2. Voyez à la Bibliothèque nationale (département des estampes) l’œuvre de Hogarth, 2 vol. grand in-folio.
  3. John Gay, the Shepherd’s week ; sixth pastoral (the flights), v. 81-94.