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du free trade, dans cette séance solennelle, fut un avocat irlandais, M. Isaac Butt. Les résolutions votées à l’unanimité par le meeting, sous la présidence du duc de Richemond, demandaient comme toujours une protection efficace pour l’agriculture.

Le cabinet de lord John Russell continue à n’être pas très favorisé dans le jeu souvent ingrat des luttes parlementaire ; il oppose, il est vrai, à chaque nouvel échec un surcroît de résignation, et tel est, à cette heure, le singulier état des partis anglais, que cette résignation obstinée ne blesse pas autrement les plus scrupuleux parlementaires : elle se fait accepter. Elle ne réconcilie, bien entendu, personne ; mais on la souffre, et, tout en votant résolûment contre le ministère, on n’a pas l’air d’exiger qu’il se retire, comme on l’eût exigé, comme il l’eût fait lui-même dans les temps de susceptibilité politique. Ainsi, dès le 2 mai, M. Hume propose de n’accorder l’income-tax, encore en question, que pour un an seulement, au lieu des trois ans de concession réclamés par le gouvernement. Les protectionistes et les radicaux se coalisent, mais sans entraîner M. Cobden, qui vote pour le ministère, ce qui n’empêche pas le ministère d’être battu par 244 voix contre 230, et de rester ainsi avec une minorité de 14 voix. Lord John Russell se croit quitte pour déclarer à la chambre qu’il répartira l’impôt du revenu selon le plan qu’elle lui a prescrit ; il demande, en retour de sa déférence, quelque ménagement pour le chancelier de l’échiquier, sir Charles Wood, victime trop constante du parlement. On eût pu supposer que la paix était encore replâtrée. Deux jours après, lord John Russell et sir Charles Wood n’en étaient pas moins battus sur un autre point. Lord Naas avait proposé de modifier les droits sur les spiritueux irlandais et écossais d’une manière assez favorable aux distillateurs. Cette proposition combattue par lord John Russell, divisa la chambre en deux, 159 contre 159, et la voix du speaker tombant contre le gouvernement, celui-ci eut encore ainsi le dessous dans la séance du 7 mai. On ne peut dire qu’il se soit beaucoup relevé en remportant depuis son médiocre avantage contre la proposition formulée par M. Urquhart au sujet du bill des titres ecclésiastiques. Aussi, dans cette même journée du 7 mai, M. Roebuck, malgré les bonnes paroles échangées le 5 avec d’autres, il est vrai, qu’avec lui, revenait à la charge et demandait la retraite du ministère. Il s’y est pris de sa façon sarcastique, comparant le ministère au cercueil de Mahomet, qui était suspendu entre ciel et terre, lui reprochant de ne tenir à rien, de ne reposer sur rien, et conseillant charitablement à lord John Russell de quitter les affaires par souci pour sa bonne renommée. Lord John a répondu d’une assez verte manière au député de Sheffield, que ce n’était pas précisément lui qu’il consulterait sur le soin de sa renommée personnelle ; il a derechef expliqué, en véritable homme d’état, que ce ne serait jamais par pique ou par ressentiment qu’il sortirait des affaires, et donnerait les mains à un changement aussi grave dans la politique du pays.

Les chambres prussiennes ont été closes par un message de la couronne dont M. de Manteuffel était le porteur. Les princes vont maintenant se retrouver à Varsovie, pendant que la diète de Francfort recommencera comme elle pourra l’œuvre interrompue des conférences de Dresde. Le roi de Prusse et l’empereur d’Autriche traiteront en personne devant l’empereur Nicolas. Les ministres de ces trois grands états, M. de Nesselrode, M. de Schwarzenberg et M. de