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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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14 mai 1851.

À Londres et à Paris, le mois de mai s’est ouvert par une solennité publique chacun des deux pays a célébré une grande fête, et chacun a mis respectivement dans la sienne, avec l’empreinte de son caractère, le symbole de sa fortune. Le 1er mai, la reine Victoria inaugurait à Londres l’exposition des travaux de l’industrie universelle, et offrait aux produits du monde entier la magnifique hospitalité du palais de cristal. Le 4 mai, Paris et la France, Paris surtout grace au luxe et à la multiplicité de ses décors, Paris consacrait le troisième anniversaire du jour où la république fut officiellement proclamée.

Ce n’est pas nous qui voudrions rabaisser à plaisir notre pays malheureux ; plus nous le sentons dépérir sous la lente obsession des infirmités qui l’épuisent, plus nous voudrions fermer les yeux pour ne pas voir sa ruine, du pour croire à sa résurrection ; mais c’est cependant un devoir, un triste devoir, de regarder le mal en face, de le regarder jusqu’au bout, et passât-il déjà pour incurable, de le signaler chaque jour au malade, comme s’il pouvait le guérir. Il y a d’inexplicables retours dans les destinées des nations ; il y a particulièrement dans notre histoire des reprises merveilleuses ; à plus d’une époque, on dirait d’un homme qui faisait un mauvais rêve, qui avait les pieds et les mains liés au fond de l’abîme que lui représentaient ses songes, et qui, s’éveillant en sursaut, se retrouve libre, frais et fort. Il semble que ce soit un secret avertissement qui vienne alors tout d’un coup rompre le charme et rappeler la véritable vie. C’est pour cela qu’il ne faut jamais se lasser d’avertir, en recueillant, si dure qu’elle soit, la leçon que les événemens eux-mêmes nous apportent. Le contraste de ces deux fêtes de Paris et de Londres est une instructive et sévère leçon qu’il faudrait pourtant bien comprendre.

Voici d’abord la reine d’Angleterre dans tout l’appareil à moitié féodal de son