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que l’on trouve dans cette langue la traduction des doctrines philosophiques de Platon et d’Aristote, des traités d’Hippocrate et de Galien, mais on voit, par le nombre considérable de livres théologiques traduits d’une foule d’écrivains ecclésiastiques de tous les pays, que le goût littéraire des Arméniens les portait de préférence vers la littérature religieuse. Cependant une fréquentation plus longue et plus intime des écoles de la Grèce et de l’Italie produisit parmi eux quelques auteurs que la religion ne fut pas seule à stimuler. Le plus célèbre de ces écrivains est Moïse de Khorren, à qui l’on doit la meilleure histoire de son pays. D’autres ont laissé des ouvrages dignes d’intérêt, soit sur la géographie de l’Arménie, soit sur la chronologie ou les événemens politiques dont ils furent les témoins ; mais tous leurs écrits remontent à une date fort ancienne, car avec l’avilissement de la nation arménienne est venu l’abaissement de son esprit et du niveau de ses connaissances. Aujourd’hui et depuis long-temps, il ne sort de l’imprimerie d’Etchmiazin que des livres de liturgie, et, à part ceux que peuvent comprendre quelques prêtres dont le nombre est très restreint, on n’en trouve actuellement pas d’autres dans les mains des Arméniens.

Il n’en est pas du fameux couvent des mékitaristes de Venise comme de celui d’Etchmiazin. Celui-là a toujours en vue la propagation des lumières du monde civilisé au milieu de la nation arménienne. Ce monastère fut fondé, au commencement du siècle dernier, par un prêtre du nom de Mékitar, qui signifie consolateur. Il s’était donné la tâche de ramener ses compatriotes à l’orthodoxie romaine. Cette entreprise fut pour lui une cause de persécutions devant lesquelles son dévouement fut obligé de reculer. Il passa dans la Morée, qui était alors une des possessions de la république de Saint-Marc. De là il se rendit à Venise pour y fonder, dans l’île de Saint-Lazare, un couvent dont les religieux prirent le nom de mékitaristes.

Cette première congrégation arménienne, soutenue par le gouvernement vénitien, ayant pris de l’extension, donna naissance à une nouvelle société de prêtres du même pays, qui se réunit à Trieste en 1773. Cette ville prenait alors, sous l’impulsion de Marie-Thérèse, l’essor qui devait plus tard en faire la rivale de Venise ; elle comptait, parmi les négocians qui s’y étaient établis, un grand nombre d’Arméniens. Les mékitaristes détachés du couvent de Saint-Lazare y trouvèrent naturellement, dans leurs compatriotes et coreligionnaires, un puissant appui dont ils avaient d’ailleurs déjà reçu des preuves de la part de l’illustre impératrice. Cette succursale du grand monastère de Venise n’existe plus depuis une quarantaine d’années. Les guerres de l’empire ont violemment troublé le repos de ses cloîtres, et les moines en ont été exilés. Après mille tribulations, ils parvinrent à se réunir sur un autre point de l’Autriche : ils se rapprochèrent de leurs frères de