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L’assemblée actuelle, élue au lendemain des jours d’orage, a reçu la mission de sauver la France ; elle ne peut pas la laisser échapper de ses mains défaillantes pour aller de nouveau tomber en quelque sorte par déshérence sous la prise de la révolution. Elle ne peut pas reparaître au jour marqué devant le pays sans autre compte à lui rendre que le terne et triste récit de ses dissensions intérieures. Si, pendant trois ans d’omnipotence, en possession de toutes les forces d’un grand pays, renfermant en soi toutes les lumières, l’assemblée législative n’a rien fait, rien su, rien voulu, rien tenté ; si le socialisme reprend le cours de nos annales à la même page où 1849 en a marqué le sinet, je ne sais quel châtiment la Providence réserve à ses membres, mais leur honneur en répondra devant l’histoire.

J’ose donc espérer que pas un des membres du parti de l’ordre ne viendra donner à la constitution de 1848 un vote confirmatif qui serait la condamnation des convictions de toute sa vie, et qu’un décret, convoquant les collèges électoraux pour la révision de la constitution, réunira l’entière, l’ancienne majorité de l’assemblée actuelle.

Dans les trois circonstances les plus solennelles de son existence, voici de combien de voix cette majorité se composait :

Dans le scrutin de division pour le crédit de l’expédition romaine, au mois d’octobre 1849, le nombre des votans était de 649 ; la majorité s’éleva à 469 voix.

Dans le scrutin de division pour la première délibération du projet de loi sur l’enseignement, le nombre des votans était de 642 ; la majorité fut de 455.

Dans le scrutin de division sur la première délibération du projet de loi électorale, le nombre des votans atteignit le chiffre de 689 ; la majorité se composa de 466 voix.

Dans ces diverses occasions, la majorité a dépassé les deux tiers du nombre des votans, elle n’a pas atteint les trois quarts ; il s’en est fallu de trente à quarante voix chaque fois que ce maximum constitutionnel fût obtenu. Il y a quelque différence sans doute entre le vote d’une mesure quelconque de politique qui emporte une adhésion positive à la conduite d’un parti et le vote d’un décret de révision qui n’engagerait nullement l’avenir et laisserait toute liberté à l’expression du vœu national. Un appel au pays réunira toujours plus de suffrages qu’une loi déterminée. Il est probable cependant que, dans l’état actuel des partis, le décret de révision, à sa première épreuve, rencontrera une minorité d’opposition plus forte que le quart de l’assemblée. Il faut le croire, puisqu’on nous le dit : l’appel au pays sera repoussé par les prétendus organes des volontés et des intérêts populaires.

Un tel spectacle sera instructif pour la France et édifiant pour tout