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est d’accord, à ce qu’il paraît, avec le comité de la montagne parlementaire pour prêcher la patience, et il accuse de contrefaçon ou d’usurpation ceux qui prêchent la guerre. Mais voyez la différence des styles, et jugez de l’empire qu’auraient hiérarchiquement les uns sur les autres des hommes qui parlent ces différentes sortes de langages !

Les montagnards qui font des discours, M. Baudin, M. Baune, M. Madier de Montjau, en sont encore à la rhétorique de 93 : ils mettent des formes, et des formes classiques, dans leur homélie de pacification ; ils ont appris l’antithèse à l’école du poète qui les fréquente, mais qui ne signe pas avec eux. « Citoyens, soyez calmes, car vous êtes forts ; soyez confians, car la justice est de votre côté. Le repos dans la force n’est pas le sommeil dans l’indifférence. Otez au pouvoir tout prétexte de mal faire, forcez-le par la sagesse de votre conduite au respect de la paix publique, comme nous le forcerons, nous, par la fermeté de nos actes au respect de la constitution. Au cri d’alarme poussé par vos mandataires, vous que le sentiment du devoir tient toujours en émoi, vous levant tous comme un seul homme et confondus parmi vos représentans fidèles (j’incline à croire, pour plus d’une raison, que ce seraient les représentans qui seraient confondus parmi leurs fléaux), vous n’auriez qu’à vous montrer unis sous la bannière de la république, pour faire rentrer dans le néant les ennemis du peuple ! » Le néant est une image un peu vieillie ; mais voilà du moins des gens bien élevés, qui savent ce que parler veut dire, et qui ménagent leurs termes. Comparez-les maintenant à ces autres apôtres de douceur et de résignation dont voici la harangue, et demandez-vous de quel côté serait la suprématie le jour où l’on se disputerait au lieu de s’accorder !

« Vous tous, qui supportez seuls le fardeau de la société sans recueillir aucun des avantages qu’elle vous promet, vos souffrances auront bientôt un terme ! Encore un an de patience, et le baume de l’égalité cicatrisera vos plaies ! Vos oppresseurs en frémissent, l’épouvante s’est emparée des exploiteurs de tout ordre. Comme des bêtes fauves auxquelles on, veut enlever leur proie, ils exhalent leur fureur en rugissemens ; ils voudraient pouvoir nous broyer tous sous leurs dents carnassières… Ils n’abandonneront pas le terrain, soyez-en sûrs, sans laisser derrière eux une traînée de sang… Tenons-nous plus que jamais sur le qui vive, et attendons-les venir. Ils ’annoncent niaisement une émeute pour le 4 mai. Qu’ils se tranquillisent ! Des émeutes ! Notre discipline les rend désormais, impossibles. »

Telle est l’éloquence authentique et certifiée conforme du véritable comité de résistance ; on veut prouver ainsi qu’il n’est pas le même que le comité réputé faux dont le chef-d’œuvre a paru le premier. « Soyons énergiques, s’écriait celui-ci ; que 1851 comble la lacune laissée en 1793, et tout sera dit. » Nous ne voyons pas après tout pourquoi il n’y aurait pas ainsi un troisième comité, non moins authentique que les deux autres, qui voulût pour sa part que tout fût dit dès à présent Nous sommes pourtant de l’avis de l’autre ; : il n’y aura pas d’émeute le 4 mai, la discipline est trop bonne. Ces quelques enragés qui font à leur aise des rêves de sang, ou qui peut-être s’y amusent par passe-temps littéraires, ces minorités exécrables composées de rhéteurs ou d’assassins, ne se glissent que par surprise de la queue à la tête d’un parti. La tête est trop sur ses gardes pour se laisser engager dans une bataille désespérée,