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Sans cesse j’y reviens et ne m’en lasse pas :
Poète en son sentier fut-il jamais plus ferme ?
Achevons ce récit, doux Esprits de la ferme.
Un seul toit les attend. Oh ! suivons jusque-là
Les touchantes amours de Primel et Nola !
Vous, hymens primitifs, grace antique et suprême,
D’une blanche couronne entourez ce poème !

C’est au bourg. Jusqu’au soir, la noce avait duré
De celle qu’on nommait la veuve de Corré ;
Noce, disaient les vieux, comme on n’en vit pas une,
Et qui fera cent ans l’orgueil de la commune,
Où mon village aimé tenait aussi son rang,
Où le cidre coulait comme l’eau d’un torrent,
Où les fours enflammés ne cessaient pas de cuire,
Les danseurs de danser, les sonneurs de bruire.
Fête immense ! Surtout, splendides, radieux,
Les nouveaux épousés émerveillaient les yeux.
Leur bonheur mutuel éclairait leur visage.
Du même âge tous deux et dans la fleur de l’âge,
Toujours se souriant, à la danse, au repas,
Et la main dans la main, ils ne se quittaient pas.
Chacun, tout attendri, redisait leur histoire
Que, dans nos jours mauvais ; on aurait peine à croire :
Celle qu’un vieillard riche aima pour son bon cœur,
Libre, épousant aussi son jeune bienfaiteur :
D’abord c’est leur rencontre et la fuite soudaine
De l’un, puis son retour superbe à la fontaine ;
Enfin le pur roman que plus d’un a rêvé,
Tout l’idéal perdu dans nos bois retrouvé.

Selon l’usage antique, une nombreuse escorte,
Le matin les prenait sur le seuil de leur porte,
Les mena jusqu’au bourg ; mais, lorsque vint la nuit.
Primel dit : « Je pars seul, sans être reconduit. »
Donc, les mille invités enfourchant leurs cavales,
Dans le creux des chemins, bientôt par intervalles
Retentirent leurs cris et les pas des coursiers.
La lune se levait claire sur les sentiers.
Le jeune époux alors du portail de l’auberge
Approcha sa monture, et telle qu’une vierge
La veuve vint s’asseoir derrière son seigneur,
Tandis que le hautbois d’Éven, le blond sonneur.
Sur la route entonnait l’air du départ, l’air tendre