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raviver leur sollicitude pour l’harmonie des pouvoirs, à l’heure qu’il est, Soulouque déclare probablement aux consuls de France et d’Angleterre et à l’agent spécial des États-Unis « que l’opinion du pays ; représenté par ses organes légitimes, lui ordonne de faire rentrer département de l’est dans le giron de l’empire. » Il n’y a pas de doute que la présence d’une station navale suffirait à empêcher le départ de l’expédition ; mais devons-nous nous résigner à faire indéfiniment sentinelle autour de cette grotesque majesté ? Ne peut-on pas prévoir surtout des circonstances qui appelleraient brusquement ailleurs les bâtimens des trois puissances médiatrices, circonstances dont Soulouque se hâterait de profiter pour tomber en vingt-quatre heures sur les malheureux Dominicains ? Or, cette dernière éventualité suffirait pour perpétuer chez eux les angoisses de l’incertitude, c’est-à-dire tous les inconvéniens de leur intolérable situation.

Une seule crainte pourrait désormais avoir définitivement raison de l’obstination du vieux nègre : c’est la perspective d’aller se heurter dans l’est contre l’intérêt moral, l’intérêt politique ou l’intérêt territorial d’une grande puissance. L’intervention directe d’une grande puissante sous forme de protectorat d’occupation, partielle ou d’annexion pure et simple, n’est donc plus, à l’heure qu’il est, pour les Dominicains, une question de progrès : c’est une question de vie ou de mort, et cette question, aujourd’hui comme à l’origine du soulèvement, dans les angoisses d’une situation désespérée comme dans l’enivrement de la délivrance, après huit ans de décourageons refus comme dans la première effusion de leurs espérances françaises, cette question c’est encore à nous toujours à nous qu’ils s’obstinent à la poser.