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terme indéfini. Les travaux extraordinaires nous coûtent de 75 à 90 millions par année, ce qui répond à la somme des impôts supprimés depuis l’origine de la période révolutionnaire ; d’où il suit évidemment, que, si nous avions eu la sagesse de maintenir dans son intégrité le système des taxes que nous avait légué la monarchie, les finances de ce pays seraient aujourd’hui dans un état normal. L’amortissement, devenu libre, servirait a éteindre la dette, ou pourvoirait aux dépenses extraordinaires des travaux publics.

En renonçant volontairement aux deux tiers de l’impôt du sel et à 17 centimes sur le produit de la contribution foncière, le gouvernement républicain s’est condamné à l’abandon des ouvrages commencés ou à l’emprunt. On peut, à force d’habileté, ajourner l’échéance de cette alternative, mais on n’y échappera pas. Emprunter à la Banque de France ou aux banquiers, voilà le dernier mot de la situation qui s’ouvre avec le budget de l’année 1852.


II. – BUDGET DE 1852. – DEPENSES.

Le budget de l’année 1852, tel que le propose M. le ministre des finances, est littéralement calqué sur celui de 1851, tel que les votes de l’assemblée nationale l’ont fait. L’assemblée ne peut pas se plaindre ; elle avait demandé que l’amortissement, dotation et arréragés compris, fût rétabli au chapitre de la dette publique, par respect pour le principe qui s’étend à tous les engagemens que l’état a contractés ; l’amortissement y figure en effet, porté pour ordre en dépense et en recette. La commission de 1851 avait fixé à 382,000 hommes l’effectif de l’armée dans un moment où ce effectif s’élevait encore à 440,000 hommes ; le budget de 1852 le fait descendre à 377,000 hommes, comme si cette obéissance apparente, qui consiste à dissimuler les nécessités de la situation, ne se réservait pas la marge indéfinie des crédits supplémentaires. Par suite de la loi du 5 décembre dernier, qui accorde un supplément de 40,000 hommes pendant six mois, l’effectif moyen de 1851 se trouve fixé à 402,130 hommes. Un nouveau supplément de 20,000 hommes deviendra nécessaire pour les six derniers mois. Une armée de 400,000 hommes n’a rien d’excessif, et devient, pour deux années au moins, l’indispensable garantie de notre sécurité dans l’état de la France et de l’Europe. À ce compte il faut ajouter, pour l’entretien de nos forces militaires, 13 à 14 millions aux dépenses de 1851. Le budget de 1852 devra supporter les mêmes charges.

Depuis plus de vingt ans, on s’élève, sans trop de succès, en France, contre cet abus des crédits supplémentaires qui forment chaque année comme un second budget. Faut-il s’en prendre uniquement à la facilité ou à l’imprévoyance des ministres ? Si l’évaluation des dépenses était préparée avec cette sûreté et avec cette franchise de coup-d’œil qui ne