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cela dans les discussions de l’église Saint-Paul, il ne pouvait se consoler assurément de n’avoir pas ramené l’assemblée sur le terrain du droit.

Ne semble-t-il pas que cette année passée au parlement de Francfort dût être pleine d’enseignemens pour une intelligence si haute ? Ne semble-t-il pas qu’il dût comprendre désormais tous les périls de ses rêves et se défier de l’esprit d’usurpation ? M. de Radowitz puisa au contraire dans ce spectacle des encouragemens inattendus. Là où la solution avait échoué, il lui parut glorieux de réussir. Ce n’était pas une victoire d’amour-propre, c’était une manière de prouver que la monarchie seule pouvait résoudre ce grand problème. Le parlement de Francfort avait offert l’empire à Frédéric-Guillaume IV dans des conditions telles qu’il était impossible de l’accepter. En investissant le roi de Prusse d’une dignité sans pouvoir, en lui donnant : un fantôme d’autorité dans un empire démocratique, la révolution se couronnait elle-même. La royauté ne pouvait être dupe ; mais l’ambition du gouvernement prussien avait été fortifiée par ce vote, et M. de Radowitz fut chargé de reprendre aussitôt l’œuvre de l’assemblée nationale. C’est le 28 mars 1849 que Frédéric-Guillaume IV avait été élu empereur d’Allemagne par les députés de l’église Saint-Paul ; c’est le 28 avril seulement que Frédéric-Guillaume, après plusieurs réponses équivoques, fit savoir son refus définitif. La veille, on avait imposé silence aux partis qui soutenaient trop vivement les prétentions révolutionnaires de Francfort, et voulaient obliger le cabinet de Berlin à reconnaître la constitution de l’empire ; la première chambre avait été prorogée, et la seconde chambre dissoute. Du 28 avril au 26 mai 1849, le ministère prussien, sous l’influence et la direction occulte de M. de Radowitz, entame avec les gouvernemens de l’Allemagne des négociations laborieuses dont le résultat est une sorte de rupture avec l’Autriche et le fameux traité du 26 mai conclu entre la Prusse, le Hanovre et la Saxe. Ce traité consacrait une idée souvent émise par M. de Radowitz et approuvée par Frédéric-Guillaume ; c’était un commencement d’unité, c’était un état fédératif (Bundesstaat) qui se formait au sein de la confédération (Staatenbund) dans l’espérance de la détruire. L’Autriche, dans la constitution promulguée à Ollmütz le 4 mars 1849, ayant réuni tous ses peuples par les liens d’une centralisation puissante, la Prusse s’était attachée de plus en plus à cette idée qu’il fallait désormais deux groupes d’états en Allemagne : d’un côté, la monarchie autrichienne avec ses possessions allemandes, slaves, hongroises, italiennes, et de autre la Prusse a la tête de la fédération vraiment allemande. Une forte alliance réunirait vis-à-vis de l’Europe ces deux groupes de peuples, mais ils garderaient toujours, dans leur développement intérieur, une politique, une administration, une existence distinctes. Libre à l’Autriche de s’organiser comme elle l’entendrait ; la Prusse obéissait