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eut l’idée de résumer brièvement les études qui avaient séduit leur jeunesse. Deux de ces résumés seulement ont paru ; des devoirs nouveaux, des occupations plus sévères, ont ajourné les autres. Dans le premier, M. de Radowitz s’est posé un piquant et ingénieux problème : sous quelle forme, dans quelle attitude, avec quels attributs de costume et de caractère les deux peintres des âges croyans ont-ils représenté les saints ? Ces recherches, qui attestent d’immenses lectures, et une connaissance approfondie de l’histoire de l’art, sont remarquables surtout par la précision et la netteté. M. de Radowitz évite ici avec soin les fantaisies nébuleuses dont le romantisme allemand est si prodigue ; il s’inspire de la simplicité des maîtres primitifs ; il range leurs gothiques portraits dans une galerie toute modeste, et c’est sous la forme la plus simple qu’il produit les résultats de ses savantes investigations. Les Devises et Légendes doivent se placer à côté de l’Iconographie des saints. Ce travail, inséré en 1846 dans un recueil périodique et publié de nouveau l’année dernière avec des additions considérables, est encore une fine et curieuse étude sur le moyen-âge où habite l’imagination de l’auteur. Le moyen-âge a excellé dans une sorte d’épigraphie qui, appliquée à la peinture, à l’architecture, au blason, résume d’une façon brève et profonde tout un ensemble d’idées. Nulle époque n’a mieux connu les lois du symbolisme. La religion, comme la chevalerie, avait ses devises, ses formules rapides, merveilleusement propres à fixer certaines pensées dans l’esprit. Cela se rattachait, d’ailleurs, à l’organisation même du moyen-âge ; plus la société était irrégulière et livrée aux brutalités du hasard, plus le monde moral devait être un refuge bienfaisant. Pour l’homme de ce temps-là, les lueurs du royaume invisible transfiguraient et consolaient la réalité ; ses mystiques pensées semblaient prendre un corps, afin de l’accompagner dans la vie, et de même que des milliers de légendes rendaient palpables en quelque sorte les croyances de la foi, de même aussi la morale était sans cesse rendue visible, grace à ces devises qu’on portait comme une bannière. La rédaction de ces formules était donc un art. Pour frapper ces médailles, il fallait donner au langage la précision du dessin et la solidité du bronze. Les questions de littérature et de morale qui tiennent à ce sujet, le développement et les phases diverses de cette intéressante histoire ; sont traisées par M. de Radowitz avec une distinction parfaite. Il y a plus qu’un rare mérite d’éruption dans ce recueil des devises religieuses, guerrières, chevaleresque, formulées par l’ingénieux symbolisme de nos pères ; on y respire les suaves parfums d’une imagination chrétienne. M. de Radowitz peut se tromper quand il souhaite pour l’état moderne les institutions de la société féodale ; il ne se trompera jamais, lorsque, poussé par sa foi et guidé par une science exquise, il empruntera au moyen-âge les plus délicates inspirations du christianisme.