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Quelques jours après l’affaire de Mazagran, c’est-à-dire au commencement de mars 1840, Bou-Hamédi, après avoir razzié et dévasté nos alliés les Douairs et les Smélas, tentait contre Miserghin, au sud-ouest d’Oran, la même entreprise que Ben-Thami avait essayée contre Mazagran. Yusuf commandait à Miserghin. Nos alliés lui demandèrent secours. Yusuf parvint à reprendre les troupeaux enlevés aux alliés ; mais, ceux-ci s’aventurant à la poursuite de l’ennemi, notre colonne dut les suivre. C’est ce qu’attendait Bou-Hamédi, embusqué avec huit mille cavaliers dans la gorge de Ten-Salmet. Yusuf, pris à l’improviste, se met en retraite, envoyant aussitôt demander secours à la garnison d’Oran ; mais notre colonne est bientôt enveloppée. L’infanterie veut se former en carré : dans ce mouvement, le désordre s’accroît et l’ennemi en profite. Alors un escadron de soixante cinq spahis, commandé par le capitaine Montebello, se porte au-devant d’un millier de cavaliers ennemis qui vont dans leur élan écraser notre infanterie en désordre. Cette diversion héroïque donne le temps aux fantassins de se former en carré. On vit aussitôt le cercle d’Arabes qui nous pressait de toutes parts s’élargir devant le feu qui partait à la fois des quatre faces du carré. Une fois ce cercle élargi, le bataillon carré reculait et rechargeait ses armes ; puis, lorsque le cercle des assaillans s’était reformé et se rétrécissait encore, une nouvelle décharge, partie des quatre faces du bataillon, semait de nouvelles victimes autour de nos soldats. La retraite continua, ainsi sans que le bataillon, laçant son feu à mesure, pût être entamé. À la fin, le renfort attendu d’Oran parut, dans la plaine. Notre cavalerie, qui s’était retirée sous le canon de Misergbin, revint en escadrons serrés. L’infanterie reprit l’offensive en attendant. Les Arabes reculèrent ; bientôt ils prirent la fuite, et furent poursuivis jusqu’à la nuit ; ils laissaient près de quatre cents cadavres dans la gorge de Ten-Salmet : nous avions seulement perdu quelques soldats et une vingtaine de cavaliers.

Comme les livres les faits d’armes ont leurs destins favorables ou contraires. On a beaucoup parlé de Mazagran : le combat de Ten-Salmet est resté à peu près ignoré. Cependant le combat de Ten-Salmet est aussi beau que la lutte du 2e léger à la retraite de Constantine, tandis que nous trouverions dans nos annales d’Afrique mille faits d’armes comparables à la défense de Mazagran. La défense de nos colons à la Maison-Carrée et à la Ferme-Modèle est aussi méritoire que celle de cent vingt trois braves postés derrière les murs de terre du fort de Mazagran. Depuis cinq ans, nos soldats se défendaient tous les jours contre les kabyles de Bougie dans des positions tout aussi hasardeuses. Les trois blockaus élevés en avant de Bougie ont été le théâtre de défenses bien autrement périlleuses que celle de Mazagran. On ne sait pas généralement en France ce que c’est qu’un blockaus. Figurez-vous une